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qui sont en état de vivre de leurs rentes, comme on dit, sont en nombre très limité. Les allocations et les revenus des musées servent à payer les conservateurs et les gardiens, à subvenir à l’entretien, aux restaurations, aux encadremens, à solder les frais de port et d’emballage des envois de l’état, qui sont à la charge des musées. Le surplus est employé à l’acquisition de tableaux et d’objets d’art. Mais on conçoit qu’après qu’on a tout payé, il ne reste rien ou à peu près rien pour les acquisitions. Loin de pouvoir acheter des tableaux, la plupart des conservateurs ont à peine les fonds nécessaires pour les restaurations, les rentoilages, les cadres. Il y a dans une petite ville du midi un musée où, sur cent cinquante toiles, cent quarante n’ont pas de bordure. Dans d’autres musées des tableaux de valeur se perdent complètement, faute d’un simple rentoilage. Doit-on reprocher aux conseils municipaux l’insuffisance des budgets des musées ? Peut-être, si on en juge par ce que font certains d’entre eux et par ce que ne font pas certains autres. Telle ville dont les revenus sont cependant peu élevés vote pour le musée des crédits importans, et telle ville qui est plus riche ne vote qu’une somme dérisoire ou même ne vote aucun crédit. Et pourtant les musées sont un cours d’histoire figurée : ils ouvrent l’esprit aux grandes choses et aux grands faits, les yeux au sentiment de la forme, si utile à un peuple qui, dans l’industrie d’art, est un grand producteur. Les conseils généraux ne sont pas moins indifférens. Quand le musée porte le titre de musée départemental, ils n’hésitent pas, quel que soit son peu d’importance, à voter un crédit. Si, au contraire, le musée est un simple musée communal, ils feignent d’ignorer son existence et ne votent aucun crédit. Est-ce donc que les villes ne font pas partie des départemens ?


III.

Dans ce tableau de l’organisation et de l’administration des musées de province, il n’a pas été question du rôle de l’état. C’est que l’état n’y a aucune part. Les grands musées de province ont été fondés par l’état ; tous, petits et grands, ont été et sont encore chaque année enrichis par l’état ; et selon la législation actuelle l’état qui, en vertu de la loi de 1839, a toute autorité sur les bibliothèques, n’a pas même un droit de contrôle sur les musées. D’après la loi stricte, un conseil municipal pourrait, sauf autorisation du ministre de l’intérieur, vendre ou aliéner tout ou partie d’une collection d’art sans que la direction des Beaux-Arts fût fondée à s’y opposer. Il y aurait en tout cas matière à procès. D’après