Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/481

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

où il y avait toute une constitution hiérarchique des ordres religieux sous l’autorité du roi, ni à l’empire où il y avait la volonté d’un homme servie par une omnipotence administrative sans limites, ni même à la restauration où il y avait encore une religion d’état, — que par conséquent tout ce qui vient de ces époques diverses n’a plus qu’une autorité incertaine dans les circonstances nouvelles. Et si ces congrégations qu’on prétend atteindre par des lois sur lesquelles on n’est même pas d’accord aujourd’hui ont l’idée d’opposer quelque résistance, — une résistance de légalité bien entendu, — si les hommes qui les composent veulent se défendre, maintenir leurs droits comme de simples citoyens, que fera-t-on ? comment procédera-t-on ? se laissera-t-on entraîner dans une suite d’enquêtes et de contestations juridiques ? Où tout cela peut-il sérieusement conduire ?

L’état cependant, dira-t-on, ne peut rester désarmé et destitué de tout droit de contrôle sur le mouvement contemporain des communautés religieuses. Non assurément. L’état ne peut rester désarmé dans l’intérêt de la paix intérieure. Une loi nouvelle coordonnant, élaguant ou résumant toutes celles qui sont plus ou moins tombées en désuétude, peut être nécessaire, si l’on veut, et la preuve qu’elle serait nécessaire, c’est la peine qu’on éprouve à s’entendre sur les lois anciennes. La preuve qu’on ne croyait pas à l’efficacité des vieilles armes, c’est qu’on a voulu s’en donner une toute neuve avec l’article 7. Qu’on prépare donc avec maturité une loi nouvelle sur les associations, rien de mieux ; mais dans tous les cas, qu’on y prenne bien garde, cette loi doit être appropriée à notre temps, elle doit garder un caractère de libérale impartialité. Elle ne saurait être, dans un autre sens, une loi de sûreté générale, plaçant quelques milliers de religieux sous une juridiction exceptionnelle et discrétionnaire, allant les atteindre dans leur droit de vivre librement ou d’enseigner pour cause d’opinions et de tendances suspectes. Ce serait rétrograder d’une république constitutionnelle à l’empire ! L’autre jour, M. Dufaure le faisait remarquer avec une saisissante éloquence. Il y a quelques années, on se croyait en face d’un « péril social, » et contre ce péril, on avait imaginé ce qu’on appelait un « gouvernement de combat. » Maintenant c’est un péril social d’un autre genre auquel des républicains troublés donnent le notn de cléricalisme, et contre ce prétendu péril on veut avoir encore un gouvernement de combat. On ne parle que d’expulser, de disperser des communautés ; on ne songe qu’à faire revivre des lois vieillies ou à proposer des lois nouvelles contre quelques congrégations qui seraient parfaitement inoffensives si on s’occupait avant tout de donner à la France la paix et la sécurité à l’abri d’institutions libérales.

L’erreur singulière est de tirer de telles conséquences du rojet d’un article qui a mérité son sort, et une erreur plus étrange encore est de