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liberté, et ce qui a fait la force des discours de M. Dufaure, de M. Jules Simon, de M. Bérenger, c’est que ces républicains, apparemment aussi authentiques que M. Jules Ferry, que M. Bertauld, n’ont pas craint de se placer dans cet ordre d’idées toutes libérales, refusant de frapper les congrégations d’une exclusion sommaire.

On en revient toujours, on en est revenu plus que jamais ces jours derniers à cette équivoque sur les congrégations autorisées ou non autorisées, et ce qu’il y a de plus étrange, c’est qu’à force de subtilités, on finit par ne plus même s’entendre sur le caractère, sur la situation de ces communautés qu’on prétend exclure. Au fond, si l’on veut bien s’en tenir à la réalité, c’est pourtant assez simple. Qu’est-ce qu’une congrégation autorisée ? On le sait, puisque l’autorisation confère à des hommes réunis par un lien monastique un certain mode d’existence légale, certains droits collectifs, certains titres particuliers, et en donnant des droits, l’autorisation impose des obligations : elle crée à ce corps religieux une condition toute spéciale, privilégiée jusqu’à un certain point. Que signifie au contraire ce mot de congrégation non autorisée ? Ce n’est en vérité qu’un mot. Il s’applique à des communautés qui, précisément parce qu’elles n’ont pas la reconnaissance légale, n’ont aucun titre sa’sissable de corporation, aucun droit collectif, et rentrent tout siuiplement dans le droit commun ; elles en ont les avantages et les charges. Les religieux qui les composent ont un nom et un habit ; ils s’appellent jésuites, dominicains ou maristes, ils sont vêtus de la robe noire ou de la robe blanche : ils n’en sont pas moins en tout des citoyens comme les autres, soumis aux conditions et aux obligations de la vie commune. S’ils échappent au service militaire, c’est parce qu’ils sont prêtres ou parce qu’ils ont un engagement décennal pour l’enseignement. Pour tout le reste, aux yeux de la loi, civilement et même politiquement, ils sont dans la condition de tout le monde. Ils paient leurs impôts, ils sont électeurs et éligibles, ils peuvent être au besoin conseillers municipaux, députés et sénateurs. S’ils exercent le droit d’enseigner, ce n’est pas comme représentans d’une corporation, c’est comme personnes privées, ils ne sont même admis qu’à ce titre. Ils existent pourtant en communauté, c’est bien certain, et un des griefs de M. le procureur général Bertauld contre eux, une des raisons qui à ses yeux les rendent suspects, c’est qu’ils ne se font pas reconnaître légalement, c’est qu’ils s’abstiennent de soumettre leurs statuts à l’état. Il ne faut pas se payer de mots. Pourquoi se feraient-ils reconnaître, puisqu’ils ne prétendent pas aux bénéfices de la reconnaissance légale ? L’autorisation est un avantage qui leur est offert, elle n’est pas une obligation pour eux. Ils n’ont nul besoin de soumettre à l’homologation de l’état des statuts qui n’ont aucun effet civil, qui sont des obligations d’un ordre tout spirituel, des engagemens de la conscience,