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davantage. Dans ce milieu interlope, des esprits hardis, mais téméraires, contractent l’habitude d’employer le capital sur une vaste échelle, sous tous les climats, au milieu des populations et des races les plus opposées. Ils se croient de taille à tout entreprendre comme à tout dominer. D’ailleurs il est juste de reconnaître qu’ils contribuent, pour leur part, à l’œuvre gigantesque de colonisation et de civilisation opérée par les émigrans et les capitaux de l’Angleterre. Cette œuvre ne peut s’accomplir sans exposer les uns et les autres à des fortunes diverses. Tout n’est pas perdu dans ces entreprises lointaines momentanément désastreuses; les défrichemens, les plantations, les carrières, les mines, les routes abandonnées ont encore leur valeur : la voie est préparée à de nouveaux efforts du capital et du travail.

Pendant l’été de 1878, les gens d’affaires bien informés eurent connaissance d’un certain malaise dans les banques anglaises. Plusieurs d’entre elles paraissaient embarrassées. On savait que, depuis deux ans, les affaires de la Turquie, de l’Egypte, de la Chine, mais tout particulièrement celles de l’Inde, avaient causé des pertes à quelques-unes d’entre elles ; une certaine anxiété régnait dans le monde des affaires, lorsqu’on apprit que l’une des douze joint-stock-banks d’Écosse, the City of Glasgow Bank, suspendait ses paiemens.

La City of Glasgow Bank avait été fondée en 1838 au capital de 25 millions de francs entièrement versés. C’était une banque de second ordre, mais, en Écosse, dans un centre d’affaires aussi considérable que Glasgow, une banque de second ordre a une grande importance. Elle jouissait par suite d’un crédit étendu, avait ouvert cent trente-trois succursales et possédait des dépôts pour 200 millions. Dans la crise de 1857, elle avait été fort éprouvée; mais elle s’était relevée. Elle distribuait des dividendes assez élevés. Le dividende pour le premier semestre de 1878 avait été déclaré de 12 pour 100.

La matinée du 2 octobre 1878, jour où la banque de Glasgow ferma ses caisses, ne restera pas moins sinistre dans les fastes de l’Écosse que le vendredi 11 mai 1866, le black friday, jour de la faillite de la maison Overrend Gurney et C° dans les fastes de Londres. Les directeurs de la banque avaient fait appeler, depuis la veille, deux accountants, bien connus à Glasgow, pour relever les livres et dresser le bilan. On apprit presque immédiatement qu’il s’agissait d’une banqueroute complète pour Glasgow et d’un immense désastre pour l’Écosse elle-même. Les chefs de la banque furent arrêtés et traduits devant les assises; mais toute l’attention du public se reporta sur la situation respective des actionnaires et des créanciers. Dans un premier rapport, les liquidateurs nommés