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aléas. De là des crises périodiques, particulières à l’Angleterre, dont les banques subissent les contre-coups quand elles ne les ont pas provoquées. Quand éclata la crise de 1825, la plus terrible qui ait sévi sur l’Angleterre, il s’était formé, depuis quelques mois, six cent vingt-six sociétés, demandant un capital de 9 milliards. En 1827, cent vingt-sept seulement avaient survécu : elles n’avaient pu trouver que 375 millions. De même, dans les trois années qui précédèrent la crise de 1866, il avait été constitué deux mille huit cent vingt et une sociétés au capital de 20 milliards. De 1872 à 1875, avant la dernière crise, les sociétés préparées ou établies ont atteint le nombre de quatre mille sept cents, capital réel ou fictif 12 milliards.

Des deux genres de risques auxquels elles sont exposées, les risques de leurs propres affaires et les risques des affaires de leur clientèle, il n’est pas facile de discerner quel est le plus dangereux, parce que si les banques connaissent beaucoup mieux les entreprises qu’elles dirigent que les entreprises dans lesquelles elles ne sont que commanditaires, l’importance de leurs capitaux disponibles, la nécessité de les rémunérer, la tendance des capitalistes à exagérer leur confiance et à se désintéresser de leurs affaires, l’étendue presque infinie du champ sur lequel elles opèrent, tout leur rend de plus en plus hasardeux les placemens qu’elles acceptent. Que de chances à courir dans des opérations de toute nature, acceptations de traites, avances sur marchandises, crédits à des industriels, prêts hypothécaires, achats et exploitations de terres, entreprises de mines, de chemins de fer, de canaux, dans l’Inde, en Chine, en Australie, dans la Nouvelle-Zélande, au Brésil, à la Plata, au Canada, dans les Antilles, sans parler de l’Afrique australe, de l’Egypte, de la Turquie, des autres états de l’Europe et des États-Unis ! La famine de la Chine, puis celle de l’Inde, plus tard la dépréciation de l’argent, ont fait subir à toutes les banques intéressées dans les affaires avec l’extrême Orient des pertes sérieuses. L’Oriental Corporation, qui avait un gros stock d’argent n’a pas cru pouvoir distribuer de dividende en 1879, à cause de la diminution de valeur de ce stock. La sécheresse se déclare-t-elle en Australie, les banques qui ont fait des avances aux propriétaires de moutons sur la récolte des laines peuvent éprouver des embarras. Les risques sont encore plus grands dans les affaires de mines de charbon, de cuivre, de soufre ou dans les exploitations agricoles.

Les placemens aléatoires conduisent aux crédits illimités. Dans les faillites dont nous allons parler, on rencontre des crédits de 13, de 15 et même de 60 millions consentis progressivement à de grands spéculateurs auxquels on s’attache d’autant plus qu’ils vous compromettent