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de l’argent. Devenus hostiles à son père, les marchands de Londres avaient bien accueilli Charles II ; mais, le 2 janvier 1672, Charles II, pressé comme son père, commit la même faute que lui. Il s’appropria la somme, considérable pour l’époque, de 1,328,000 livres déposées par les marchands dans la cour de l’échiquier. Deux orfèvres et un marchand, — la richesse était déjà grande en Angleterre, — y étaient compris pour 950,000 livres. Les marchands ne rentrèrent que vingt-sept ans après dans la moitié de cette somme; ils perdirent l’autre moitié et tous les intérêts, soit 2,697,000 livres. La moitié sauvée fut convertie en une rente perpétuelle qui constitue encore le premier article du grand livre de la dette publique de l’Angleterre. Et le parlement ne vota cette restitution partielle qu’en vue de fonder le crédit du gouvernement de Guillaume III.

Jusque dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les banquiers lombards ou juifs et les compagnies privilégiées ont exercé la banque avant tout en vue du commerce des monnaies, de la garde des dépôts et des rapports avec les rois d’Angleterre. Ce n’est qu’après la restauration des Stuarts, et principalement au XVIIIe siècle, que les relations des banquiers d’abord avec le commerce, plus tard avec l’industrie, prirent une extension particulière.

Les premiers indices de la circulation fiduciaire en Angleterre ne sont pas antérieurs à la même époque : ce sont les reçus de dépôts transmissibles des orfèvres; mais, en même temps que l’usage de ces reçus s’établit, l’idée d’en faire un monopole d’état commença d’apparaître.

Nul doute sur ce fait que, même en ce qui concerne l’Angleterre, en dehors de la vérification et de l’échange des monnaies et de la garde matérielle des dépôts, l’idée de considérer les banques comme une institution politique, dépendance plus ou moins complète de l’état, n’ait longtemps prévalu sur les services qu’elles devaient rendre à la production et à la distribution des richesses. Les banques d’Allemagne et de Russie sont des banques d’état; même aux États-Unis, plus de la moitié des banques ont été, à l’époque de la guerre de la sécession, converties en banques nationales contrôlées par l’état : c’est encore en France que l’état, qui a établi la Banque de France, est peut-être le moins intervenu dans la fondation et le fonctionnement des banques.

En réalité, c’est comme instrument de guerre, for the purpose of carrying on the war with France, qu’a été fondée la banque d’Angleterre, qui est antérieure à toutes les autres banques, excepté quelques bien rares private banks, dans le Royaume-Uni. Seule l’offre faite par William Patterson et Michel Godfrey d’avancer sur-le-champ au gouvernement de Guillaume III les 1,200,000 livres, capital de la banque, put faire accepter leurs propositions (25 avril