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Eh ! mon Dieu ! ce n’est pas moi qui ai envie de quitter Oberkirch ; mais on m’en chasse. Premièrement, sans la légion et Berwick, il y aurait de la folie à y tenir; secondement, quand l’Alsace et Strasbourg n’ont pas voulu partir quand j’avais trois mille hommes à leur donner, partiront-ils quand je n’en aurai plus que mille? Ce serait donc une folie sans utilité.

Le parti de l’Empereur est pris et très pris de nous éloigner, et le désespoir de M. le comte d’Artois en est une preuve de plus. Non-seulement les menaces, mais la tyrannie de l’Empereur sont démontrées clair comme le jour et il n’y a nul changement à espérer.


Le lendemain, le prince adresse à son ami du pont de Kehl, comme il le nomme dans un billet sans date, un nouvel exprès et une nouvelle lettre.


Ce 6 février. Mon courrier arrive de Coblentz, et il est essentiel que je ne perde pas un moment à vous instruire de tout ce qu’il m’apporte. Si la conférence d’aujourd’hui n’a pas complètement réussi, renouez-en une seconde au plus vite. Les princes veulent absolument avoir Strasbourg. Je suis autorisé à promettre, depuis Luckner jusqu’au dernier soldat de la garnison, tout ce que chacun peut désirer en grades, honneurs, décorations, argent, etc. (Bien entendu que ce ne sera que pour ceux qui auront contribué à la chose.)

Je suis autorisé de plus à dire, sous le secret, aux chefs que le Roi y consent; mais ma position, la persécution qui devient tous les jours plus forte pour éloigner la légion et Berwick me forcent absolument, et bien malgré moi, de déclarer décidément que, si cela n’est pas fait dimanche 12, je pars.

Renvoyez-moi Lévignac et gardez Contye pour l’après-midi. Le premier vous reportera des extraits assez longs de ce que j’ai reçu. Mais mettez toujours les fers au feu et du secret, au nom de Dieu, du secret ! Surtout qu’on fasse dire à Saint-Pol que j’ai par écrit des princes, et signé par eux, que le Roi consent et le désire.


À cette dépêche était jointe la copie de celle de Coblentz du 5 février transcrite plus haut; Condé en avait extrait les passages saillans sur un papier destiné aux officiers de Strasbourg et au pied duquel il avait écrit : Je certifie sur mon honneur la présente copie conforme à l’original qui est entre mes mains. Le lendemain, nouvelle lettre; le surlendemain, nouveaux avis, nouvelles questions; correspondance agitée, décousue, inquiète d’hommes dont la destinée est en jeu, se joue par d’autres mains, et qui se sentent impuissans à diriger une partie dont tous les coups les font perdre.


Qu’on fasse sentir à L. (Luckner) que le R. (roi) dans sa position ne