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un papier transparent sur une carte des environs de Dieppe ou de Briey, par exemple, on y pourra tracer par des droites les lignes de fil d’eau, les thalwegs, c’est-à-dire les traits fondamentaux du dessin des vallées. Considéré sur le figuré qu’il recouvre, ce diagramme en résume les caractères topographiques; envisagé seul, il reproduit avec une surprenante précision l’agencement des cassures par torsion qui nous sont familières. Ce sont les mêmes fissures rectilignes, parallèles, se groupant en systèmes conjugués, se recoupant en échelons, s’interrompant pour reparaître plus loin sur la même direction. Ce dernier trait surtout est à remarquer : si les vallées ne devaient pas leurs premiers linéamens à des fractures, et si les ruisseaux de leur fond les avaient seuls creusées, il serait aussi inexplicable que l’existence de vallons bien ouverts et pourtant privés d’eau, quoique à peine remblayés. On ne comprendrait pas davantage qu’un coude brusque ne fût pas toujours accompagné d’un cirque d’érosion : arrêtées dans leurs cours, les eaux auraient assurément affouillé l’obstacle qui les obligeait à se frayer une issue latérale. Il en a été ainsi, en effet, dans la vallée de l’Orne et partout où les érosions ont été assez puissantes pour modifier profondément la première ébauche du relief. Les méandres de la Charente, de la Marne, de la Seine et de tant d’autres rivières, ont précisément pour origine des cassures échelonnées dont les angles ont été adoucis par l’action séculaire des eaux. Loin de s’étonner des irrégularités que peuvent présenter les configurations naturelles, on est plutôt surpris de leur étroite similitude avec les fractures artificielles. Ainsi le massif espagnol du Mont-Perdu, sur la carte que vient d’en relever M. Schrader, ressemble à une immense plaque de couches crétacées ou nummulitiques, fissurée par un système réticulé d’entailles à pic profondes de 1,200 à 1,300 mètres. Et d’après une dernière communication faite par M. Daubrée à l’Académie des Sciences, la forêt de Fontainebleau laisse reconnaître les mêmes arrangemens dans les vallonnemens qui affectent ses sables ou dans les fractures qui ont brisé ses rochers. Il est enfin des vallées qui rappellent les cassures et les gerçures des prismes écrasés. Telles sont celles du Trient, de la Via-Mala, du Fiers en Savoie ou du Rhône à Bellegarde, les gorges du Rummel de Constantine ou les cañons du Colorado : elles ne portent aucune trace d’érosions et ne sont que des crevasses restées béantes. Ainsi le rôle important des fractures de divers ordres que la pression ou la torsion ont produites dans l’écorce terrestre se reconnaît malgré l’énergie partout attestée des dénudations qui, à l’époque quaternaire surtout, ont si profondément remanié le relief ancien du sol. Désormais toute étude topographique saura tenir compte de ces