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renouvelés du théâtre, qui suffisent encore en Italie à la plupart des peintres successeurs de M. Bezzuoli, et dont M. Luigi Mussini, M. Alessandro Franchi et deux ou trois autres sont à peu près les seuls aujourd’hui à ne plus se contenter.

Que si l’on veut ne prendre pour termes de comparaison que les peintures faites dans nos églises par des artistes français contemporains de Hesse, nous doutons qu’aucun de ceux-ci, — Hippolyte Flandrin excepté, — paraisse devoir bien décidément l’emporter sur le peintre de la chapelle de Saint-Gervais. Certes, le nombre est grand et la valeur considérable des peintures dont on a, depuis un demi-siècle, décoré la plupart des églises de Paris et plusieurs édifices religieux dans des villes de province, à Angers entre autres, à Nantes, à Agen. Peut-être même, nous le disions en commençant, cette série de travaux diversement méritoires constituera-t-elle dans l’avenir les titres les plus sérieux de notre école moderne. Dans tous les cas, elle en résumera le mouvement et en déterminera la physionomie générale avec une précision que n’auront pas ou qu’auront à un moindre degré les toiles de toute espèce successivement exposées de nos jours au Salon. Alexandre Hesse apparaîtra, nous le croyons, comme un des représentans principaux de cet art à côté et au-dessus de tant d’entreprises en sens contraire auxquelles nous aurons applaudi sans trop y songer, de tant d’œuvres éphémères inspirées tantôt par le besoin d’exciter la curiosité à tout prix, tantôt par une manie d’archaïsme stérile ou de naturalisme vulgaire.

A quoi bon d’ailleurs nous en remettre aux juges futurs du soin de reconnaître sur ce point la vérité et ajourner ainsi à l’égard de Hesse la justice qu’il nous appartient à tous de lui rendre dès aujourd’hui? On serait malvenu sans doute à prétendre avec trop de zèle le venger de nos récentes froideurs ou de nos oublis ; on ne saurait, sous le prétexte de rétablir ses droits, réclamer pour lui une place parmi les maîtres proprement dits, parmi ceux qui ont réussi à fonder une tradition, à frayer à l’art une voie nouvelle; mais on peut sans exagération d’aucune sorte le mettre au nombre de ces artistes, bien dignes de respect aussi, qui, comme le Dominiquin au XVIIe siècle, ont suppléé à la puissance innée par le travail, à l’inspiration spontanée de la pensée par le recueillement, au génie enfin par la conscience, par la probité inflexible du caractère et du talent.


HENRI DELABORDE.