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d’une majesté d’emprunt ; il a réussi également à en épurer les formes sans les réduire à la sécheresse. Les deux scènes peintes sur les parois latérales de la chapelle et qui représentent : l’une, Saint François de Sales prêchant l’Évangile à des montagnards du Chablais ; l’autre, Saint François de Sales instituant l’ordre de la Visitation, enfin la Glorification du saint, figurée au milieu de la voûte, — toutes ces compositions, à la fois nobles et vraisemblables, satisfont aux lois de l’art religieux et aux lois de l’art décoratif aussi bien qu’elles permettent de reconnaître le goût accoutumé du peintre pour l’imitation exacte de la nature.

Rien de moins prétentieux que ce style simple et net jusque dans l’expression de l’idéal; rien non plus qui ressemble moins à l’effigie vulgaire que l’image de ces réalités. C’est par exemple avec un tact bien remarquable que, dans l’Institution de l’ordre de la Visitation, la mesure a été gardée, au point de vue pittoresque, entre l’insuffisance et l’abus, entre la monotonie qu’aurait donnée à cette scène d’intérieur une lumière trop diffuse ou un coloris trop sobre et les violences qui auraient pu résulter, pour le regard, d’une concentration trop étroite de la lumière ou d’une trop grande énergie dans les tons. Un peu plus de sacrifice à l’unité de l’aspect et cette harmonie extérieure dégénérait en inertie ; un peu moins de réserve au contraire dans l’emploi du clair-obscur et des procédés de coloration, et le relief même des corps figurés constituait une contradiction avec l’esprit essentiel du travail. En un mot, l’œuvre, au lieu de garder les apparences d’une peinture monumentale, aurait pris celles d’un tableau, et la muraille qu’elle recouvre, mais dont elle ne supprime pas pour le regard la fonction, aurait cessé d’être en quelque sorte pour se convertir en un semblant de baie ouverte sur des objets placés au-delà.

Cette sagesse dans l’appréciation des conditions décoratives de la tâche et, en même temps, dans la pratique des moyens d’imitation matériels, on en retrouve l’empreinte là même où la scène à reproduire semblait inévitablement comporter l’agitation des lignes et un certain morcellement de l’effet. Tout accidenté qu’est le paysage au milieu duquel a lieu la Prédication de saint François de Sales, quelque variées que soient, autour de la figure principale, les attitudes des personnages et les couleurs de leurs vêtemens, rien ne vient troubler la tranquillité de l’aspect général, ni accentuer plus qu’il ne convient les formes ou les intentions épisodiques. La figure d’un criminel, par exemple, que le remords fait frissonner sous la parole du saint, celle d’une jeune femme qui se jette tout en pleurs au pied du rocher d’où tombe cette parole émouvante, d’autres figures encore diversement expressives mêlent quelque chose de