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PEINTRES CONTEMPORAINS

ALEXANDRE HESSE

Il y a peu de temps, un peintre disparaissait dont les débuts avaient été signalés par un succès éclatant, mais dont le nom, un instant populaire, avait cessé depuis bien des années d’être en faveur auprès de la foule. Comme autrefois Eugène Devéria ou, dans un autre ordre d’art, comme Félicien David, Alexandre Hesse était devenu célèbre du jour au lendemain; comme à eux aussi, il lui était réservé de porter pendant tout le reste de sa vie la peine de cette renommée rapide et d’expier les applaudissemens unanimes donnés à sa première œuvre par l’accueil froid ou distrait que rencontreraient les œuvres suivantes.

Était-ce donc que celles-ci démentissent les promesses passées? Est-ce que, après être si heureusement entré dans la carrière, le peintre des Funérailles de Titien n’avait su ensuite que revenir sur ses pas ou tout au moins que s’arrêter là où il était arrivé du premier bond? Non, le talent d’Alexandre Hesse n’avait pas en un seul jour donné toute sa mesure, il n’avait pas épuisé toutes ses ressources dans un seul effort. Il lui restait encore, et l’événement l’a prouvé, de quoi pourvoir à l’accomplissement d’autres tâches, de quoi mener à bonne fin des entreprises plus difficiles et plus hautes; mais, si bien muni qu’il fût en réalité, liesse a eu le tort, d’ailleurs peu commun, de se défier à l’excès de lui-même, d’exagérer pour ainsi dire la modestie, et d’éviter les occasions de paraître avec autant de soin que d’autres en mettent à les rechercher. Or, dans le domaine de l’art comme ailleurs, le gros du public ne s’intéresse guère qu’aux gens qui le courtisent ou qui le violentent et laisse