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caractère. En Europe et en Amérique, le nombre des simples adhérens se comptait probablement par millions. Le changement de politique et les hésitations de Napoléon III, qui semblaient annoncer l’ébranlement et la chute du régime impérial, exaltèrent l’activité du parti révolutionnaire. Des deux idées qui avaient donné naissance à l’Internationale, l’une poursuivant le relèvement du salaire par la coalition et la grève, l’autre la transformation de l’ordre social, au besoin, par la révolution, c’est la seconde qui à partir de 1869 a pris le dessus et, comme toujours, sous sa forme la plus accentuée et la plus violente.

Cependant l’Internationale protesta énergiquement contre la guerre de 1870, à Paris, à Londres et en Allemagne. Le 12 juillet, la fédération parisienne publia un manifeste adressé aux travailleurs de tous les pays, mais principalement « aux frères d’Allemagne. » En voici un passage : « Aux acclamations belliqueuses de ceux qui s’exonèrent de l’impôt du sang ou qui trouvent dans les malheurs publics une source de spéculations nouvelles, nous opposons nos protestations, nous qui voulons la paix, le travail, la liberté. La guerre, c’est le moyen détourné des gouvernemens pour étouffer les libertés publiques. » Dans une adresse de la section de Neuilly, reproduite par la Marseillaise du 22 juillet, on lisait : « La guerre est-elle juste? Non. Est-elle nationale? Non. C’est une guerre exclusivement dynastique. Au nom de l’humanité, de la démocratie et des vrais intérêts de la France, nous donnons à la protestation de l’Internationale contre la guerre notre assentiment le plus énergique. » A son tour, le conseil général adressa un manifeste aux membres de l’Internationale de l’Europe et des États-Unis. Il est probablement rédigé par Marx, et certains passages sont à noter : « Le peuple de Paris a protesté contre la guerre, avec tant de force, que le préfet de police Pietri a défendu toute manifestation dans les rues. Aussi, quelle que soit l’issue de la guerre, le glas funèbre du second empire a déjà résonné dans Paris,.. Si les classes ouvrières de l’Allemagne permettent à la guerre actuelle de perdre son caractère purement défensif et de dégénérer en guerre offensive contre le peuple français, une victoire ou une défaite seront également désastreuses. Toutes les misères qui désolèrent l’Allemagne, après sa guerre pour l’indépendance, se reproduiront avec une intensité accumulée. » Le conseil général citait ensuite plusieurs adresses aux travailleurs français publiées par des sections allemandes de l’association. A Chemnitz, cinquante mille ouvriers saxons avaient envoyé des paroles de sympathie aux ouvriers français. La section de Berlin, répondant au manifeste de celle de Paris, avait dit : « Du cœur et de la main nous adhérons à votre proclamation. Nous promettons solennellement que ni le bruit