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est en quelque mesure maintenu dans le second. Le communisme se trouve conduit par son principe à la consommation en commun, comme dans la famille, ou plutôt comme au couvent ou à la caserne, tandis que le collectivisme peut se concilier avec l’existence séparée des familles. Les communistes suppriment radicalement l’hérédité; les collectivistes la conservent pour tout ce qui n’appartient pas à l’état.

La question du droit de succession a été vivement discutée au congrès de Bâle. Les collectivistes, représentés principalement par de Paepe, invoquèrent les argumens très forts que l’on fait valoir habituellement en faveur de la transmission héréditaire des biens. Un individu s’est constitué un avoir par des prélèvemens, non sur les produits du travail d’autrui, mais sur ceux du sien propre et en se privant de certaines jouissances : n’est-il pas juste qu’il puisse transmettre ses économies à ses enfans? Cette faculté sera évidemment un stimulant pour le travail et un préservatif contre le gaspillage, donc un avantage pour la société tout entière. Si chacun reçoit une instruction complète et un instrument de travail, l’héritage individuel ne peut porter atteinte à l’égalité rationnelle. — Quoique le courant communiste fût très prononcé, l’abolition de l’héritage proposée par la commission d’étude n’obtint que 32 oui sur 68 votans, et par conséquent elle fut considérée comme rejetée.

Je ne puis interrompre ce récit rapide pour discuter à fond les idées théoriques admises par l’Internationale. Je me bornerai à deux remarques sommaires. La nouvelle organisation sociale que poursuit le collectivisme suppose que les entreprises rurales et industrielles passent aux mains d’associations coopératives autonomes. Or ces associations pourraient-elles subsister sur une base exclusivement républicaine et élective, en dehors du principe d’autorité et de hiérarchie représenté actuellement par le patron? Dans l’industrie, comme sur un navire, la discipline et l’obéissance sont de rigueur. Comment l’obtenir entre égaux? Aujourd’hui, le maître expulse celui qui ne travaille pas : voilà le stimulant. Dans la société nouvelle, l’expulsion ne se comprend guère. Faudra-t-il donc recourir à la prison? Le propriétaire est intéressé maintenant à conserver le capital et à perfectionner l’outillage. Les membres de la coopération le feraient moins bien, puisqu’ils ne seraient qu’usufruitiers et que la responsabilité des détériorations retomberait sur la société en général. Au fond, le problème économique n’est autre que l’organisation de la responsabilité et de la justice. Les collectivistes jurent volontiers par Darwin. Ils doivent donc admettre que, dans la lutte pour l’existence, les organismes les mieux constitués finissent par l’emporter. Qu’on donne l’instruction aux ouvriers et toutes