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et des partis d’opposition. Le président actuel de la chambre des députés n’a-t-il pas dit lui-même que le jour où la république serait définitivement établie, il faudrait qu’elle aussi eût ses whigs et ses tories? Or la république n’a pas eu seulement pour elle le vote libre et réfléchi d’un parlement ; nulle forme de gouvernement n’a eu une consécration populaire plus décisive. Les partis qui la contestent ne la combattent plus, tant ils sentent leur impuissance pour le présent. Leurs espérances et leurs manifestations n’ont pour objet et pour but que l’avenir. Cela n’est point dangereux pour un gouvernement aussi solidement établi sur les assises populaires. M. Gambetta et ses amis attendent-ils qu’il n’y ait plus un seul monarchiste dans le parlement et dans le pays pour permettre au parti républicain de se classer, selon les opinions de ses membres et selon les exigences d’une situation nouvelle? Quel est le pays parlementaire où ne se rencontrent des partis plus ou moins considérables, qui usent et abusent de la liberté pour attaquer le gouvernement établi? On ne doit donc ni s’étonner ni s’indigner que des républicains prévoyans tiennent en réserve un programme différent de celui que d’autres républicains mettent en pratique en ce moment.

« Qu’ils le gardent, leur disent d’excellens amis, mais qu’ils ne le montrent pas. » Fort bien; mais si la politique actuelle provoque une réaction qu’il n’est pas défendu de prévoir, que fera le suffrage universel en face d’un programme trop connu et dans l’ignorance complète de tout autre programme républicain? Il sera bien temps alors de produire le programme de la république libérale dont personne n’aura entendu parler ! Le peuple souverain ne saura ce qu’on veut lui dire. Il verra que les choses ne vont pas bien, que la confiance n’est nulle part, que le trouble est partout, que le pays, que la république devait unir, est plus divisé que jamais. Où ira-t-il chercher le remède au mal dont il aura souffert? Il y a des drapeaux qui se déploieront ce jour-là et qu’il connaît; il y a des programmes qui ne seront point tenus secrets jusqu’aux prochaines élections. Le pays aura tout vu, tout entendu, sauf le seul drapeau, l’unique programme qui peut être le salut de la république à un moment donné. En vain nous dira-t-on pour nous rassurer que rien ne peut ébranler la république, parce qu’elle a ses racines dans les entrailles de la démocratie française. Cela peut être vrai de la démocratie des villes, mais qui nous répondra de la démocratie des campagnes? Celle-ci et même l’autre n’ont-elles pas porté les deux empires dans leurs flancs? Est-on bien sûr qu’elles en ont perdu le souvenir aussi complètement qu’on se plaît à le croire ? Nous dira-t-on encore qu’aucune restauration n’est possible à cause du nombre des prétendans, ce qui nous garantit la république