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respecter les droits des minorités. Le teutomane ne croit qu’à la vertu des décrets, du pouvoir discrétionnaire, des mesures de salut public, des lois d’exception, et les minorités ne lui paraissent dignes d’aucun égard ; il leur fait sentir cruellement la pesanteur de son poing, aussi lourd que le marteau du dieu Thor ou que l’épée d’Hermann, roi des Chérusques et vainqueur de Varus. Qu’il s’appelle M. Stöcker, prédicateur de la cour, ou M. de Treitschke, professeur à l’université de Berlin, membre du Reichstag, ex-libéral en rupture de ban, le teutomane estime qu’il n’y a de place dans ce monde que pour l’empire germanique, que les mouches doivent aller chercher leur vie ailleurs. Le teutomane les a comptées, il y en a quarante-cinq mille à Berlin, près de cinq cent mille dans toute l’Allemagne, et décidément c’est trop : das ist zu viel.

Parmi les griefs qu’ont les teutomanes contre les juifs, il en est qu’ils proclament d’une voix retentissante, il en est d’autres sur lesquels ils glissent plus légèrement ; dans toute querelle il y a les raisons qu’on dit et celles qu’on ne dit pas. Ce qu’on reproche tout d’abord à la race maudite, c’est l’ardeur effrénée et l’habileté coupable qu’elle déploie dans toutes ses entreprises, c’est son infatigable activité associée à l’esprit d’intrigue, c’est l’ambition qui la pousse à ne se mêler que des grandes affaires et le mépris qu’elle témoigne pour les petits métiers. On se plaint, avec amertume, qu’elle laisse à d’autres tous les travaux manuels. Elle a peu de goût pour l’agriculture, et quand elle acquiert de grands domaines, c’est qu’elle a en vue quelque audacieuse spéculation. Elle a peu de goût aussi pour l’industrie, et lorsque par hasard elle fonde une fabrique, elle choisit ses inspecteurs et ses comptables parmi ses coreligionnaires, elle confie aux chrétiens tous les emplois subalternes. L’opulent israélite a des domestiques chrétiens, un cocher chrétien, un cuisinier chrétien, de même qu’il charge les chrétiens de lui bâtir sa maison, de la meubler, de lui fabriquer sa voiture, de lui fournir tout ce qui est nécessaire aux commodités de sa vie[1]. On pardonnerait encore aux juifs d’accaparer dans leurs mains prenantes et crochues le commerce et la haute banque ; mais ils ne bornent pas là leurs ambitions, ils aspirent à s’emparer de toutes les fonctions importantes, ils ont juré de gouverner un jour la société et l’état, et ce qui le prouve, c’est le soin tout particulier qu’ils prennent de l’éducation de leurs enfans. M. Stöcker nous apprend, en se signant d’effroi, que les gymnases de Berlin renferment 4,764 élèves appartenant à la confession luthérienne ou réformée et 1,488 israélites. Il s’ensuit qu’Israël, qui n’est que le 5 pour 100 de la population, fournit aux écoles supérieures près du tiers de la jeunesse qui les fréquente. Ces chiffres éloquens témoignent clairement des ambitions

  1. Der Fœderalimus, von Constantin Frantze ; Mainz, 1879, page 352.