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Nous sommes arrivé au terme du programme que nous nous étions tracé : nous avons voulu mettre le public au courant des conditions dans lesquelles s’établissent les tarifs de chemins de fer, et lui permettre de se rendre compte des polémiques qui sont fréquentes aujourd’hui. Nous avons voulu le mettre en garde contre des sophismes et des utopies qu’inspirent soit l’intérêt personnel, soit la passion politique. Nous ne devons pas aller plus loin. Il ne saurait nous convenir d’aborder les discussions irritantes de la polémique, ce serait sortir de notre cadre. D’ailleurs, personne ne s’y trompe, la question . du rachat n’est point engagée aujourd’hui dans l’intérêt économique du pays : ce n’est pas une question d’affaires. Il est impossible d’admettre que, pour sauver 1,600 kilomètres de chemins de fer appartenant à l’état, et que menace la concurrence de l’Orléans, il soit opportun de leur adjoindre les 4,500 kilomètres de l’Orléans; on ne fera croire à personne qu’il soit avantageux au commerce de substituer au monopole des compagnies, qui est mitigé par la responsabilité commerciale, par le contrôle et la tutelle de l’état, le monopole draconien, irresponsable et sans contrôle, de l’état lui-même; il est difficile de se persuader que des fonctionnaires de l’état montreront autant de zèle, autant de dévoûment, autant d’esprit d’initiative que les agens des compagnies. Dans un pays où l’initiative individuelle est encore dans l’enfance, pour ainsi dire, on ne fera croire à personne qu’il soit indispensable de supprimer une de ses manifestations les plus brillantes; peut-on admettre davantage qu’il soit nécessaire de transformer, du jour au lendemain, vingt mille commerçans en fonctionnaires? Mais nous nous trompons : ne serait-ce pas là, au contraire, le motif véritable, celui qu’on ne dit pas, en un mot, l’ultima ratio?

la Revue a publié, il y a deux ans, un travail d’un grand sens et plein d’humour, dans lequel l’exploitation par l’état a été examinée et jugée[1]. Il faudrait le faire tirer à un million d’exemplaires, et le faire distribuer à tous les commerçans, la question serait enterrée à tout jamais. Il est encore plein d’actualité, on ne peut dire de meilleures choses en termes plus topiques et plus mesurés.


A. BRIERE.

  1. Voyez dans la Revue du 15 mars 1878 : l’Exploitation des chemins de fer par l’état, par M. Jacqmin.