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ratio de l’administrateur chargé de régler les questions de tarif. Laissons donc les commerçans traiter avec les commerçans, et ne faisons pas intervenir l’état quand il n’a rien à gagner en se mêlant aux luttes que se livrent des intérêts privés.


IV.

Nous avons dit que le prix de revient n’influait pas sur la détermination de la valeur. On voit même souvent l’industrie libre descendre sciemment au-dessous du prix de revient. L’histoire de la concurrence est pleine d’exemples de ce genre et dans l’industrie des transports notamment, il n’est pas rare de voir abaisser les tarifs à des prix dérisoires pour ruiner un concurrent. Ce fait se produit quand la concurrence s’exerce entre un petit nombre d’individus. Si les chemins de fer, en France, étaient une industrie libre, personne ne trouverait à redire à ce qu’ils suivissent cette loi générale. Mais, ainsi que nous l’expliquerons plus loin, les compagnies sont associées avec l’état, qui a limité leurs pertes et leur a garanti un certain revenu minimum. Dans ces conditions, il est clair que la lutte ne serait pas égale et que, pour ruiner un concurrent, les compagnies ne courraient aucun risque à abaisser leurs tarifs au-dessous de leur prix de revient; ce serait l’état qui paierait les frais de la guerre. L’état a donc le droit, et même le devoir, de s’opposer à ce que les chemins de fer transportent au-dessous du prix de revient et, dès lors, il est utile de chercher à se rendre compte de ce prix.

Posons d’abord comme un principe qu’il est impossible d’établir exactement le prix de revient d’un transport déterminé. Il est bien évident, en effet, qu’une fois un train formé et prêt à partir, on peut y laisser monter un voyageur de plus, on peut y charger une balle de marchandises de plus, et la dépense de la compagnie ne sera pas augmentée d’un centime ; la perception, si minime qu’elle soit, sera donc un pur bénéfice net. Et cependant, d’autre part, on conçoit que si, d’une manière générale, la compagnie abaisse tous ses tarifs au-dessous d’un certain minimum, elle est en perte. Tout ce qu’on peut faire, c’est donc de se rendre compte des considérations qui influent sur le prix de revient, sans chercher à le déterminer exactement.

Nous avons dit, en commençant, que toute taxe avait un double but : 1° couvrir les dépenses d’exploitation, c’est le prix de transport ; 2° rémunérer le capital de premier établissement, c’est le péage. Nous allons retrouver ces deux élémens dans le prix de revient. Occupons-nous d’abord du transport.