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un concurrent redoutable. Les chemins de fer qui sont parallèles au littoral ont à lutter sérieusement avec lui, et les compagnies de l’Ouest, d’Orléans et du Midi ont été obligées de réduire considérablement leurs tarifs. Il est bien évident, en effet, que si, de Bordeaux à Nantes, un transport par chemin de fer ne vaut pas plus que par bateaux, la compagnie ne pourra pas le faire payer plus cher que ne demande le cabotage. Mais le transport par chemin de fer vaut plus, parce qu’il est plus régulier, parce qu’il est plus rapide, parce qu’il est plus sûr, et que tout cela se paie; la compagnie pourra donc demander une taxe un peu plus élevée que le cabotage, et elle n’y manquera pas.

Les voies navigables, canaux ou rivières, sont également un régulateur fréquent de la valeur des transports. Sur les trajets desservis concurremment par les deux modes, le chemin de fer ne peut faire payer son transport plus qu’il ne vaut; il vaut le même prix que sur le canal, avec une majoration due à la nature plus perfectionnée de l’instrument.

Citons un exemple frappant : la Loire est parallèle au chemin de fer d’Angers à Nantes, mais le fret sur la rivière est plus élevé à la remonte qu’à la descente. Il en sera de même pour le chemin de fer. Le tarif général sur la voie ferrée d’Angers à Nantes sera d’un franc moins élevé que de Nantes à Angers. Le transport vaut moins dans le premier cas que dans le second.

Une des circonstances les plus curieuses qui influent sur la valeur des transports se rencontre dans les périodes d’encombrement. M. de la Gournerie a traité excellemment ce point particulier.

« Dans la plupart des industries, la production et la consommation présentent des irrégularités qui, modifiant les rapports de l’offre et de la demande, introduisent des variations dans la valeur des marchandises.

« Lorsqu’une circonstance exceptionnelle attire dans une ville un grand concours d’étrangers, les loyers montent et par suite, d’une part, les aubergistes sont conduits à faire des dépenses pour approprier de nouveaux appartemens à la location en détail ; de l’autre, bien des personnes réduisent la durée de leur séjour. Il résulte de ces deux effets que tous les arrivans trouvent place, tandis que, si l’autorité avait décrété la fixité des prix, beaucoup de voyageurs n’auraient pu avoir aucun gîte.

« Des difficultés du même genre se sont souvent présentées dans l’industrie des transports, et elle les a généralement résolues de la même manière. Lorsque la demande devient plus grande, le roulage, la batellerie et le cabotage augmentent leurs prix (en 1847, le fret sur le Rhône a passé du simple au décuple) ; en Angleterre et aux États-Unis, les chemins de fer élèvent leurs tarifs ; les marchandises