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dans chaque localité ; en abaissant les tarifs, elles étendent le rayon dans lequel les marchandises peuvent se mouvoir, elles créent des transports. Aussi arrive-t-il souvent qu’elles prennent l’initiative de ces réductions.

Cet élément de la valeur du transport est variable, et par suite les tarifs devraient varier en même temps. La Hongrie est un des marchés où la France s’approvisionne de blés ; ces blés viennent par chemin de fer. Si la récolte est moyenne dans les deux pays, l’écart de prix est faible et on ne peut faire le transport qu’à la condition de réduire le tarif à ses dernières limites ; mais s’il y a disette en France et richesse en Hongrie, l’écart devient plus fort, le transport vaut plus, et il serait de toute justice que les tarifs fussent relevés. Si pareille chose se faisait, il n’y aurait pas assez de malédictions pour accabler les compagnies, et nous avons choisi cet exemple avec intention. Cependant c’est ce qui arrive pour l’industrie libre. La Russie méridionale nous envoie également des blés, et le transport a lieu généralement par le cabotage de nationalité grecque. Dans les cas analogues, le cabotage élève ses prix. Pendant l’automne dernier, le fret du blé d’Amérique en France a notablement augmenté pour le même motif ; mais il s’agissait d’une industrie libre ; dès lors personne n’y a trouvé à redire.

Il y a quelque temps, par suite des circonstances atmosphériques, le prix du charbon de terre a augmenté sur le carreau de la mine ; immédiatement les ouvriers du Borinage se sont mis en grève. Quelle différence y a-t-il?

La valeur de l’objet transporté intervient d’une manière très directe dans la valeur du transport. Ce principe a même été reconnu par le cahier des charges ; car sa division en quatre classes n’a pas d’autres bases. Si on s’était placé au point de vue du prix de revient, on ne comprendrait pas pourquoi les bois de teinture sont dans la première classe, à 0 fr. 16, tandis que les bois à brûler sont dans la seconde, à 0 fr. 14. C’est que le prix de transport représente une plus faible proportion du prix total pour les premiers, et que, par suite, le transport a pour eux plus de valeur.

Un des élémens les plus sérieux de la valeur, c’est la concurrence. Plus loin, en parlant du monopole, nous traiterons la question de la concurrence entre voies ferrées ; mais nous devons dire ici un mot de la concurrence entre les chemins de fer et les autres modes de transport. Le charroi sur essieu n’est pas un concurrent bien sérieux, il ne s’applique qu’à des quantités faibles et à des distances réduites, et en général les chemins de fer n’essaient pas de lutter contre lui. Mais il n’en est pas de même quand il s’agit des voies navigables ou du cabotage ; ce dernier notamment est