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et l’expéditeur. Le premier offre de transporter, le second demande qu’on transporte : voilà les deux premiers termes. Si l’entrepreneur exige un prix trop élevé, la marchandise refuse; si le détenteur de la marchandise veut payer trop bon marché, l’entrepreneur refuse à son tour et, dans les deux cas, la marchandise reste immobilisée. De là résulte un débat, un marchandage, la valeur du transport s’établit : le tarif doit représenter cette valeur.

On voit dès lors que le prix de revient n’influe que faiblement sur la détermination de la valeur du transport, d’autant plus que ce prix de revient est presque impossible à fixer, ainsi que nous le montrerons plus loin.

M. de la Gournerie dit : « Un transport, comme toute marchandise et comme tout service, a une valeur déterminée par le jeu de l’offre et de la demande; on doit le payer non ce qu’il coûte, mais ce qu’il vaut. » Voilà une pensée juste, bien exprimée.

Dans l’industrie des transports plus que dans toutes les autres, il est presque impossible de développer toutes les considérations qui influent sur l’offre et sur la demande, et conséquemment sur la valeur. L’industrie se résume en général en un objet tangible dont la valeur a un caractère bien déterminé; il n’en est pas de même d’un transport; il ne sera donc pas inutile d’indiquer les principaux élémens de la valeur d’un transport et les causes qui peuvent la faire varier.


III.

Parmi ces causes nous ne mentionnerons que pour mémoire le prix de revient. Cependant cet élément n’est pas à négliger, et nous y reviendrons.

Nous avons vu comment s’établissait le débat entre la compagnie et l’expéditeur, débat qui a pour sanction l’établissement de la valeur. Examinons de plus près la situation de chacune des parties.

L’expéditeur a un but à atteindre en déplaçant sa marchandise; il veut l’offrir sur un marché où sa valeur est plus grande qu’au lieu de la production; si le transport ne lui coûtait rien, le bénéfice qu’il réaliserait serait la différence entre la valeur de l’objet au point d’arrivée et cette valeur au point de départ; cette différence est généralement connue; le transport est prélevé sur ce bénéfice, et par conséquent l’expéditeur ne peut accepter un prix de transport supérieur à cet écart; il faut même que le prix de transport soit inférieur afin que l’expéditeur ait intérêt à faire le transport. Cet écart est le grand régulateur du tarif; c’est le plus fréquent. Les compagnies se tiennent au courant de la valeur des produits