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Nous continuerons à relever, dans la correspondance des années 1818 et 1820, les appréciations de Montlosier sur le caractère du mouvement religieux.

« 3 janvier 1818, — Je tiens d’un marguillier de la cathédrale de Clermont qu’on y prépare jusqu’aux fonts baptismaux à l’effet de renouveler tous les baptêmes faits par les prêtres jureurs et constitutionnels. Les mariages sont placés dans la même catégorie. Les divisions de ce qu’on appelle la société s’ajouteront à ces mouvemens. Les divisions n’ont jamais été plus animées. »

Quand on étudie avec un amour sincère du pays l’histoire de France depuis quatre-vingts ans, on est presque à chaque moment saisi d’angoisse. Aucune nation n’a plus souffert de ses divisions et n’a plus grandi dans les larmes. Aucune, avec des qualités généreuses, n’a plus semé la route de haines intérieures, inoubliables. Il lui a fallu plus que du ressort pour ne pas succomber dans de pareilles souffrances.

On sait quelle importance prirent les missions pendant la restauration. Leur action fut très active et dépassa, en plus d’une ville, les limites d’un zèle qui aurait dû rester religieux. Montlosier, qui vit les missionnaires à l’œuvre en Auvergne, écrivait le 14 avril 1818:

« Les missionnaires continuent à faire foule, j’ai été les entendre. Aucune espèce de talent; en revanche, insolens et dominateurs au-delà de ce que vous pourriez croire. Il y a parmi eux M. Fayet, très couru par les dames... La municipalité avait, par délibération, choisi un emplacement pour la croix de la mission. M. Rauzan (un des chapelains du dieu Mars) a dit qu’il la voulait dans la rue des Gras, et que si elle n’était pas là il n’y en aurait pas. Il a envoyé ces jours derniers des ouvriers pour creuser l’emplacement. Les missionnaires avaient chargé l’évêque de Clermont de prononcer la formule du renouvellement des vœux du baptême. — Plus haut, prélat! lui a dit l’un d’eux. — Pontife du Seigneur, plus majestueusement, plus lentement! lui a dit l’autre. — Malgré cela et peut-être à cause de cela, tout le monde s’y précipite. »

« 2 juin 1818, — Nos missionnaires ont mis le feu partout. Qu’on nous envoie la peste de Marseille si l’on veut, mais qu’on ne nous envoie plus de missionnaires!.. Nous commencions à être tranquilles; aujourd’hui, nous sommes plus divisés et plus aigris que jamais. »

A mesure qu’on s’éloignait des premières années de la restauration, la présence d’une faction, pour employer l’expression de Royer-Collard, se manifestait dans le gouvernement. Sans doute, un véritable esprit religieux se réveillait; mais, pour qui aurait