Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laissent pas toucher aisément, et toute fausse interprétation me serait odieuse, quelle qu’en fût la tendance. »

Ces lignes de M. Guizot, si empreintes de respect, n’en ont que plus d’autorité.

On avait reconnu qu’il ne serait pas prudent de remettre en question les dispositions du concordat; l’augmentation du nombre des évêchés, leur circonscription, l’accroissement de l’allocation portée au budget pour les dépenses des cultes, étaient des mesures qui ne touchaient en rien le spirituel de l’église. Mais les méfiances s’éveillèrent à la lecture du rapport sur le projet de loi relatif aux pensions ecclésiastiques. La commission accusait les ministres d’indifférence pour la religion, le concordat était attaqué; le rapporteur, M. de Bonald, soulevait les questions les plus graves et les plus difficiles. Les droits de l’état et ceux de l’église devaient nécessairement se poser dans la discussion.

Ce fut Royer-Collard, une des âmes les plus religieuses qui se soient rencontrées, qui formula les vrais principes. Ils se résumaient en peu de mois. Le prêtre restera dans le temple et n’en sortira point pour troubler l’état. La liberté de conscience est irrévocablement établie par la charte. La religion catholique a cessé d’être exclusive; elle n’est même pas dominante. Ses ministres ont perdu la vie politique, qui a son principe dans le droit de propriété. Ainsi que la société elle-même, ils sont dissous en individualités. Le mot clergé n’est plus qu’une dénomination ecclésiastique; dans le sens de la loi, il est vide de sens.

Répondre à une pareille autorité était difficile; mais on avait compté sans les fautes. La loi sur le sacrilège fut la plus grave. En punissant de la peine de mort et même de la mutilation le coupable, en l’assimilant en certain cas au parricide, cette loi excita le plus vif mécontentement. L’opinion y vit l’influence croissante du parti qu’on appelait la congrégation.

La religion et la société civile, leur nature et leur indépendance respective, étaient de nouveau remis en question. On évoquait du passé ce vieux préjugé que la loi a une croyance religieuse et que la vérité en matière de foi est de son domaine.

« C’est sur la vérité légale du dogme, disait le grand orateur, que sont construits les échafauds du sacrilège... Et pourquoi seulement le sacrilège quand, avec la même autorité, l’hérésie et le blasphème frappent à la porte?.. De même que dans la politique, on nous resserre entre le pouvoir absolu et la sédition révolutionnaire; de même dans la religion, nous sommes pressés entre la théocratie et l’athéisme. Nous n’acceptons pas cette odieuse alternative. »

Qu’on juge de l’écho que trouvaient d’aussi hautes paroles ! Il