Malgré ces dissidences, exprimées dans des termes qui honorent l’amitié, Montlosier n’en continua pas moins, dans sa solitude de Randanne, d’adresser à l’auteur des Ducs de Bourgogne ses confidences politiques.
« 5 août 1815. — Il y a dans les classes inférieures âpreté à la fortune, mouvement vif, ardent et continu du besoin. Je repousse dans la noblesse ceux qui ne veulent ni constitution ni représentation; je repousse dans la noblesse ceux qui veulent une réaction d’oppression, ceux qui, ne faisant pas attention au caractère de la révolution, à ses sources, à ses causes, cherchent dans des écarts passagers de quoi humilier leurs ennemis... Je repousse dans la noblesse ceux qui, étant nobles, veulent tout avoir et ne laisser aucune place à ceux qui veulent devenir... Voilà mes principes. »
Ce n’étaient pas tous ses principes. Sa chimère était toujours d’arrêter ce qu’il appelait le débordement de la bourgeoisie :
« 14 septembre 1816. — Le système qui me révolte est celui de la confusion des rangs. J’ai peur qu’on ne veuille saisir la classe du second ordre par l’appât des honneurs qui appartiennent au premier... Mettre en appétit d’honneur des classes inférieures dont la condition est d’être en appétit d’argent est un renversement de toutes choses... Je sais bien qu’une certaine classe persistera jusqu’à la rage à vouloir participer aux avantages de la noblesse, tandis que la noblesse sera privée de participer aux siens... Je ne trouve pas mauvais que des avocats soient élevés à de grands honneurs, pourvu qu’ils y demeurent. Je trouve mauvaise la confusion d’idées qui, après avoir élevé un avocat aux plus hautes dignités, un moment, le renvoie ensuite à son métier de gagne-pain. »
Si Montlosier eût fait partie de la chambre introuvable, il n’eût pourtant pas siégé aux côtés de MM. de Labourdonnaye, Salaberry, Duplessis-Grénedan, les coryphées du parti ultra-royaliste.
« C’est la faute des ultra, écrivait-il le 23 janvier 1819, si le vent a ainsi tourné contre eux. Ils avaient alors beau jeu. Ils n’ont su malheureusement ni ce qu’ils disaient, ni ce qu’ils faisaient. Ils ont forcé le gouvernement par leur ambition, par leur bêtise à se jeter vers la révolution. Ils sont étonnés actuellement de leur ouvrage. Ils reprochent leurs propres fautes. »
La discussion de la loi électorale avait, dans cette année 1819, amené l’aveu éloquent à la tribune de l’influence prépondérante de la démocratie. Les siècles l’avaient préparée ; la déclaration des droits de l’homme avait été la consécration de ses conquêtes. Montlosier s’exalte en lisant les discours des divers orateurs :
« Jamais, dit-il (3 mars), les principes d’une révolution perpétuelle n’ont été moins déguisés et mieux exposés. Classe moyenne suppose une classe haute et une classe basse. Bonaparte avait de