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il décampa. Sa destitution est sûre. On parle du préfet de Versailles pour le remplacer. — L’allusion du grand trait sur l’idéologie m’a paru d’abord se rapporter à ce pauvre Malouet, que l’empereur poursuivait depuis longtemps en lui disant : « Eh bien, monsieur l’idéologue, comment va l’idéologie ? » Mais on m’assure que cela se rapporte à un certain parti supposé républicain dans le sénat et signalé dans la conspiration Malet comme devant former le gouvernement provisoire. — J’ai eu beaucoup de peine, samedi matin, à vous annoncer l’arrivée de l’empereur. Philippe m’arrive à sept heures : « Monsieur ! monsieur ! — Qu’y a-t-il ! — L’empereur est arrivé. — Quelle folie ! — C’est sûr : une femme de la cour vient de le dire à la portière. Il est arrivé entre onze heures et minuit dans une mauvaise voiture, avec un seul domestique en veste. Ce domestique avait sur lui une chemise de douze jours : le factionnaire a été longtemps sans le laisser entrer. — Tout cela était vrai. Le carrosse de l’empereur avait cassé à Meaux. Il avait pris la voiture du maître de poste et il était venu avec le duc de Vicence et un domestique de celui-ci. Son premier pas a été chez le roi de Rome qu’il a réveillé et pris dans ses bras. Il a fail. appeler ensuite le duc de Rovigo. Il a été extrêmement aimable pour toutes les dames. Tous les pages ont été mis en campagne pour leur apporter de sa part des nouvelles de leurs maris. »

Nous avons voulu citer en entier cette lettre intéressante pour faire apprécier la manière large et abondante de cette correspondance, chaque fois qu’elle ne touche pas à des intérêts personnels. Une confidence à M. Prosper de Barante nous apprend qu’à la fin de 1812, la franchise de Montlosier ne fut pas appréciée au ministère des affaires étrangères. Il dut interrompre ses rapports politiques. Il songea alors à visiter l’Italie. Déjà les préparatifs de départ étaient terminés. Il avait acheté une charrette découverte et un mauvais cheval, et il se disposait à quitter la France, lorsque le duc de Bassano obtint de l’empereur tout ce qui devait remplacer d’une façon convenable le bizarre équipage du voyageur.

Ses goûts de géologue, plus vifs que ses goûts d’artiste, se donnèrent libre satisfaction dans l’année 1813. Il prépara un mémoire sur les éruptions du Vésuve. À Rome, il rencontra Mme Récamier. Il la connaissait de longue date et fut toujours du petit nombre de ceux qui résistèrent à la fascination qu’elle exerçait. Malgré le mot que Sainte-Beuve prête à Montlosier, il fallait être bien peu ensorcelé pour écrire, le 20 juillet 1813 :

« J’aurais dû beaucoup vous parler de Mme Récamier. Elle croit avoir une passion à Lyon. C’est ce qui fait qu’elle est venue à Rome. Elle croit quelquefois en avoir une pour Dieu ; elle se trompe.