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à celle de l’exil de Mme de la Trémouille faisait supposer la même cause. Quoi que M. Maret en ait dit à Benjamin, il ne peut sortir de ma pensée qu’il y a sur cela une cause secrète et qu’on ne veut pas divulguer... »

« 18 janvier 1811. — Je viens d’apprendre, mon bon ami, à votre sujet, quelque chose dont je m’empresse de vous faire part. On prétend que vous aviez reçu l’ordre de faire mettre les scellés sur les papiers de Mme de Staël ; au lieu de cela, vous auriez envoyé au ministre de la police une déclaration faite par Mme de Staël au préfet de Chaumont. On assure que c’est de cette différence entre les ordres que vous avez reçus et leur exécution que s’est produit le mécontentement. Vous en jugerez mieux que personne. »

Ce récit se complète par des extraits des lettres adressées à Prosper. Il était alors préfet de la Vendée. L’empereur avait lu en Espagne son Tableau de la littérature, et il avait dit au duc de Bassano : Ce livre ne conclut pas, mais c’est d’un patriote et d’un excellent esprit. Il a repris les bonnes voies. Peu de jours après, le jeune sous-préfet de Bressuire était appelé à une préfecture. C’était à lui d’abord que Montlosier s’était hâté d’écrire.

« 25 décembre 1810. — C’est avec autant de surprise que de douleur que j’ai lu dans le Moniteur de samedi la nomination de M. Capelle à la préfecture du Léman. Toute cette matinée je fus en train pour rechercher si ce n’était pas l’effet de quelque nouvelle étourderie de Mme de Staël... Quelqu’un qui vit M. Maret me dit positivement hier matin que le ministre n’accusait en rien le préfet du Léman...

« 26 décembre. — J’ai su que votre père avait reçu l’ordre de mettre les scellés sur les papiers de Mme de Staël. Au lieu de cela, il avait envoyé une déclaration déjà faite. On a été mécontent. Mais on voile ce mécontentement, car le ministre de la police persiste à dire que Mme de Staël n’est pour rien dans cela, que sa correspondance n’a aucun trait avec M. de Barante... Tirez-vous-en, car pour moi l’énigme passe mon intelligence... Tandis que votre père occupait toute ma pensée, la place de recteur de l’académie de Clermont est venue à vaquer. J’ai pensé aussitôt à votre père. M. de Fontanes, à qui j’en ai fait parler, en serait charmé, si cela lui était agréable. Je lui ai écrit par le dernier courrier pour savoir ses instructions. »

« 29 décembre 1810. — J’ai fait de nouvelles recherches; j’en fais sans cesse. On m’a parlé d’une lettre de complimens écrite à Chaumont par votre père au sujet de la suppression de l’ouvrage, lettre ouverte, dit-on, et dont on a été irrité. »

Mme de Staël, inquiète et plus troublée que jamais, voulait aussi savoir la vérité, Elle la demandait à Mme Récamier.