Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien à sa place. Mais ne pas venir à Paris, ne pas y jouir de la belle société, des belles conversations !.. » Et le 11 avril 1807, au lendemain de la publication de Corinne, Montlosier s’exprimait en ces termes, qui nous affligent : « Je n’ai pas encore lu Corinne, mais Mme Récamier doit me l’envoyer. J’en entends dire beaucoup de bien. En attendant, je sais mauvais gré à Mme de Staël d’avoir mis en scène un Anglais en lui faisant jouer le premier rôle. Je la prierai à son premier ouvrage de dire beaucoup de bien de mon père et du mal du sien. C’est une singulière manie. » Bonaparte ne raisonnait pas autrement quand il blâmait l’intérêt répandu sur Oswald et s’en fâchait comme d’un défaut de patriotisme.

Mme de Staël apparaît de plus en plus dans cette correspondance avec toutes ses douleurs, toutes ses angoisses, dans la crise la plus pénible de sa vie.


« Mars 1809.

« Votre lettre m’a rassuré, écrit Montlosier au préfet ; j’apprends par elle qu’une dame de votre connaissance (Mme de Staël) envoie l’an prochain son fils aux États-Unis et qu’elle l’y accompagne l’année d’après. Si vous êtes des amis, détournez-la. L’Angleterre est sûrement bien triste, l’Amérique septentrionale est cent fois pire. Dans la même lettre, j’ai remarqué qu’on demande des nouvelles de l’ouvrage de Prosper, mais surtout de la tragédie de Benjamin. Ce surtout revient à un autre endroit de la lettre, avec la même application et le même sens. »

Le Tableau de la littérature française au XVIIIe siècle venait en effet d’être publié. Montlosier en parlait ainsi à M. de Barante père : « On est diversement content. Les philosophes pas du tout ! Dupont de Nemours est furieux pour les philosophes, Morellet pour Voltaire, Suard demande quel est le résultat. Les gens du monde se partagent ; une partie du faubourg Saint-Germain est très contente, l’autre moins. Vous savez que j’ai à ma disposition le Journal de l’empire. Il y a longtemps que mon premier extrait est livré et que le second est prêt. Vous trouverez chez moi beaucoup d’éloges, un peu de critique. L’ouvrage avait besoin d’un an de méditation de plus et de, deux ou trois mois encore de travail. Il y a trop de notices, trop de morceaux qui ressemblent à des articles de feuilleton. »

Nous n’avons rien à retrancher de ces appréciations. Elles sont toujours judicieuses. Le défaut de ce livre intéressant est justement signalé. Quant à la tragédie de Wallenstein dont Mme de Staël se préoccupait surtout, Prosper de Barante, devenu sous-préfet de Bressuire (4 mars 1808), nous en donne des nouvelles dans un post-scriptum :