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à vapeur sont en construction déjà pour établir un échange régulier de marchandises entre la Chine et la Sibérie. Bientôt une flotte, allant de l’est à l’ouest et de l’ouest à l’est, touchera à chaque printemps aux bouches de la Lena afin de répandre sur les marchés d’Europe les plus riches productions de la Sibérie, c’est-à-dire ses pelleteries et ses ivoires fossiles.

Lorsqu’il y a trois cent cinquante ans, l’infortuné Hugh Willoughby quitta la Tamise, en présence de la reine Elisabeth et d’une cour brillante, avec l’espoir d’atteindre par le nord-est l’empire du Cathay, nul ne pensait que ce voyage serait le prélude des grandes relations commerciales qui, jusqu’à la guerre de Crimée, n’ont cessé d’avoir lieu entre la Russie et l’Angleterre. Qui oserait avancer que le voyage de la Vega ne donnera pas également l’idée aux riches contrées que baigne le Pacifique d’entrer en rapports suivis avec les côtes de la Sibérie ?

Quoi qu’il en soit, la noble nation suédoise, celle qui fut le berceau des Berzelius, des Linné, des Thunberg, des Fries, et de tant d’autres hommes célèbres, doit être fière non-seulement du professeur Nordenskjöld, du capitaine Pallander, des officiers de la Vega, mais encore du plus humble matelot de cette expédition, puisque c’est à leur courage à tous, à leur persévérance, qu’elle doit la pure gloire qui rejaillit sur elle. Que les peuples qui cherchent leur grandeur dans de semblables entreprises soient bénis des hommes de paix ! Comment ne le seraient-ils pas, puisqu’ils apportent le flambeau de la civilisation là où les ténèbres règnent, et qu’à leur marche en avant ne se mêlent ni les cris sauvages qui suivent les triomphes de la guerre, ni les plaintes douloureuses que la force brutale arrache aux opprimés !


EDMOND PLAUCHUT.