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pendant de longs mois, n’ayant eu devant les yeux que des solitudes couvertes de neige, que de longer ainsi un fleuve dont les rives escarpées, verdoyantes et émaillées de fleurs, s’élevaient au-dessus de nos têtes à une hauteur de 5 à 600 pieds I De temps à autre s’avançaient des langues de terres couvertes de tentes auprès desquelles les pêcheurs préparaient leurs filets pour la pêche au saumon. Nous voyions aussi surgir, çà et là, les dos luisans des dauphins, tandis qu’effrayés par notre chaloupe à vapeur les eiders s’envolaient au loin. »

Après un séjour des plus agréables dans ces parages, la Vega quitta Port-Clarence, mais non sans avoir visité le détroit de Seniavine, où se trouve au sud-ouest de l’île de Ka-y-ne un bon ancrage du nom de Glasenap-Harbour. De là elle se rendit dans la baie de Kougani. A l’embouchure d’un fleuve se trouvait un promontoire, bas et plat, où les voyageurs espéraient voir des Onkilonnes ; ils n’y virent que des Tchouktchis de rennes, dont les troupeaux paissaient le long des rives. Pendant plusieurs jours, ils firent des excursions dans les environs ; ils gravirent des montagnes sur les flancs desquelles les naturalistes recueillirent de riches collections zoologiques et botaniques. Mais, la glace survenant, il fallut partir au plus vite et se diriger vers l’île Saint-Laurent, où l’ancre fut jetée à la pointe nord-ouest.

Les habitans de cette île sont Esquimaux d’aspect et de langage, mais leur costume est celui des Tchouktchis ; ils parlent la langue de ces derniers. Cette ressemblance tient aux rapports fréquens que ces peuplades ont entre elles à Port-Providence. D’un autre côté, les Tchouktchis étant sans relations avec les Esquimaux de Port-Clarence, ces derniers ne les comprennent pas. Dans l’île Saint-Laurent, les tentes sont rectangulaires à leur base, à côtés droits, et à toitures plates ; les peaux de rennes qui les recouvrent sont préparées. Une poutre épaisse de deux pieds partage en deux la pièce principale de ses habitations ; une autre partie de l’intérieur de la tente, dont le sol est recouvert de peaux, sert de chambre à coucher.

Au grand désespoir de nos voyageurs, ils ne purent, là non plus, rencontrer des Onkilonnes, quoique, d’après les rapports de plusieurs explorateurs, il y en ait encore à l’embouchure de l’Anadyr. Les Tchouktchis prétendent aussi qu’il en existe encore au sud du cap Oriental, mais quand on voit et qu’on entend les Esquimaux, il est aisé de s’apercevoir aussitôt qu’il n’y a aucune affinité de race entre eux et les Tchouktchis.

Le 2 août, la Vega leva l’ancre de nouveau ; après un assez long voyage retardé par des vents contraires, elle atteignit l’île de