Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 37.djvu/915

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’horizon un jet de flammes ayant son centre au nord, bientôt suivi d’autres jets moins intenses à mesure qu’ils se rapprochaient du zénith, toutefois plus brillans en s’abaissant vers l’horizon du sud. Cette lueur était d’une blancheur éclatante, et bientôt le ciel fut comme entouré d’arcs entre lesquels le firmament sombre, mais étoilé, offrait un coup d’œil splendide. Plus avant dans la nuit, le ciel prit un autre aspect. Au zénith apparut une bande lumineuse, dont les lueurs ondulaient en forme de vagues de feu, ayant toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, mais sans qu’il fût possible d’en préciser la direction. La partie est de la bande éclatante devint bientôt plus agitée et, soudain, de ce côté, s’éleva au-dessus de l’horizon une immense torche flamboyante laissant échapper de puissantes ondes lumineuses. Puis la bande pâlit, tandis que la torche lançant des gerbes enflammées prit de plus grandes dimensions, en même temps que du zénith partaient dans tous les sens des rayons d’or. Un quart d’heure après, tout s’apaisa ; les arcs lumineux reparurent un instant, mais pour s’abaisser lentement vers le nord, où ils s’éteignirent. Le spectacle grandiose de cette aurore boréale s’était déroulé au milieu d’un grand silence, à peine troublé par le clapotement de l’eau contre la glace qui couvrait la mer d’un voile d’argent.

« Le lendemain, nous fîmes un nouvel essai pour sortir en longeant la côte ouest du golfe. Pour la première fois, depuis longtemps, le ciel était magnifique ; le soleil avait la chaleur d’un jour de printemps en Europe. En traversant le golfe, nous atteignîmes le soir même le cap Jinredlen. Ce cap, avec une élévation moindre, ressemble au cap Onman ; à quelques pas du rivage seulement, la mer avait une grande profondeur. Pendant la nuit, des masses de glace s’étaient entassées autour de nous, et, après nous être avancés de quelques milles vers l’est, nous fûmes de nouveau bloqués. Mais, comme à plusieurs reprises, depuis quelques jours, nous nous étions trouvés dans une situation identique, nous étions bien loin de croire encore au séjour de dix mois que nous allions faire dans ces parages. Comment nous l’imaginer lorsque en deux mois, depuis notre départ de Tromsoe, nous avions déjà heureusement parcouru 4,200 milles et qu’il ne nous restait plus que 120 à franchir pour toucher au but ? Avec ces illusions, nous laissâmes passer tout le mois d’octobre sans faire nos apprêts d’hivernage… »

Il fallut bien pourtant qu’à la longue, M. Nordenskjöld et ses amis se rendissent à l’évidence, et ils durent se préparer, avec beaucoup de philosophie, du reste, à passer ce long hiver polaire le mieux possible. La glace avait fini par prendre une telle