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à des documens communiqués par des officiers de la Vega à quelques-uns de nos amis de Yokohama, grâce aussi à des lettres inédites adressées par l’illustre voyageur à MM. Dickson et Sibiriakof, deux hommes généreux, dévoués aux sciences géographiques et qui, hautement secondés par sa majesté le roi de Suède et de Norvège, ont été les promoteurs de l’expédition.

La traduction en français des Lettres de M. Nordenskjöld, écrites en suédois, nous avait été réservée par M, e la comtesse Marie de Lowendal. Nous ne pouvons nous défendre d’un sentiment de tristesse en songeant qu’à peine avions-nous eu l’honneur de recevoir de Mlle de Lowendal la dernière de ces lettres, elle s’éteignait, toute jeune encore, emportée par une de ces maladies qui ne pardonnent pas.


I

La façon jalouse dont les Espagnols et les Portugais se partagèrent au XVIe siècle l’empire des Indes, le soin que ces deux peuples mirent à cacher les routes maritimes qui conduisaient aux iles mystérieuses des épices, éveillèrent de bonne heure chez les na-lions du nord-ouest l’idée d’arriver à ces régions fortunées par un chemin différent de ceux que suivaient leurs rivaux. Trois voies furent tentées tour à tour : le passage polaire, le passage nord-ouest et le passage nord-est. Le premier devait traverser audacieusement le pôle, le second avait son point de départ au nord de l’Amérique, le troisième, celui que vient de prendre avec succès le professeur Nordenskjöld, consistait à louvoyer le long des côtes de la Sibérie pour aller sortir au détroit de Behring, dans le Pacifique.

Pendant trois cents ans, de nombreuses expéditions essayèrent de trouver l’un des trois passages : pas une ne réussit. La première, une des plus importantes, et qui se termina aussi fatalement que celle désir Franklin, eut lieu en 1553[1]. Elle était commandée par sir Hugh Willoughby, qui comptait atteindre l’empire de Cathay, comme on appelait alors la Chine, par le nord-est, c’est-à-dire par la même voie que vient de parcourir heureusement l’expédition suédoise. Willoughby, après avoir reconnu Senjen, une île de la côte septentrionale de la Norvège, située par 70° de latitude boréale, s’avança avec Durforth, l’un de ses lieutenans, à 160 lieues plus au nord-est. On suppose qu’ils atterrirent à la Nouvelle-Zemble.

  1. Voyez, dans la Revue du 1er juillet et du 1er août 1876, les Marins du XVIe siècle, par M. l’amiral Jurien de la Gravière.