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de les dessaler, de les convertir en marais roseliers et de faire disparaître les miasmes délétères qui désolent le pays.

Malheureusement, soit par indifférence, soit parce que les bénéfices obtenus par les produits des taxes de navigation et les plus-values des marais supérieurs conquis à la culture lui paraissent suffisamment rémunérateurs, et qu’elle hésite à se lancer dans des travaux pénibles et un peu incertains, la compagnie concessionnaire n’a pas jusqu’à présent entrepris d’une manière sérieuse la mise en culture et l’irrigation de la zone maritime. Elle est donc loin d’avoir rempli de ce chef les obligations qu’elle avait contractées par son traité de l’an IX avec l’état.

D’autre part, les droits de navigation eux-mêmes perçus sur les canaux ont soulevé à diverses reprises les plus vives réclamations du public. Au point de vue de la justice distributive, il est certain qu’on peut regarder comme assez anormal de maintenir de pareilles taxes sur un canal, alors que tant d’autres voies de communication de même nature en ont été affranchies. La question du rachat du canal s’est donc posée d’elle-même ; depuis près de vingt ans, elle est l’objet des vœux les plus ardens et, on doit le dire, les plus fortement motivés de toutes les assemblées locales.

Mais la concession octroyée au canal de Beaucaire ne s’étend pas aux seuls droits de navigation, qui ont perdu d’ailleurs une assez grande partie de leur importance depuis que le pays est sillonné de chemins de fer. Elle comprend aussi les droits de dessèchement et d’irrigation, et ceux-ci lui ont procuré sans contredit des bénéfices bien plus considérables. Sans doute la compagnie n’a pas rempli toutes ses obligations et a reculé devant les difficultés et les incertitudes de l’entreprise du dessèchement des marais inférieurs ; mais, par les irrigations qu’elle a développées sur une grande étendue, elle a donné à d’immenses surfaces de terrain une valeur que les desséchemens n’augmenteront probablement pas, et elle a en même temps concouru, dans une très large proportion, à l’amélioration de la santé publique. On doit donc regarder comme un peu excessive l’opinion des ingénieurs qui prétextent de l’inexécution partielle des engagemens consentis pour réduire dans une proportion notable le prix du rachat, et même pour conclure d’une manière par trop radicale à la déchéance de la compagnie concessionnaire.

Les vœux actuels des populations ne s’opposent pas d’ailleurs à la continuation du privilège de la compagnie en ce qui concerne les améliorations agricoles que tout le monde se plaît à reconnaître ; ils se bornent, à demander le rachat des droits de navigation. Ceux d’irrigation et de dessèchement peuvent être maintenus et même prorogés sans inconvénient pour une durée de temps à débattre