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réviser et discuter pour réduire à leur juste valeur les prétentions de toutes les communautés, des seigneurs et même des simples particuliers qui réclamaient des droits de propriété ou d’usage sur des marais très difficiles à délimiter et dont l’étendue et l’assiette avaient depuis plusieurs siècles éprouvé des variations bien difficiles à apprécier. Lorsque ce travail préliminaire de légistes et de géomètres fut à peu près achevé, on eut recours aux ingénieurs ; et tout d’abord, en 1768, le sieur Garipuy, directeur des travaux publics de la province, fut, par ordre de M. de Dillon, archevêque de Narbonne et en cette qualité président des états de Languedoc, envoyé en Hollande pour y conférer avec les principaux hydrauliciens de ce pays. On y étudiait alors le problème, aujourd’hui résolu, du dessèchement de la mer de Harlem. La mission de Hollande fut un peu longue ; l’ingénieur Garipuy n’y resta pas moins de douze ans ; il en revint enfin, et dès son retour les chantiers furent ouverts.

On était en 1778. Le bief d’Aigues-Mortes fut commencé le premier : le travail marchait résolument depuis une dizaine d’années ; on avait déjà dépassé la petite ville de Saint-Gilles, dont le port était ensablé au milieu d’étangs à peine flottables, lorsque la révolution éclata. Ce n’était plus le temps de songer à des entreprises agricoles et commerciales ; les états de la province disparurent dans la tempête, et les travaux furent suspendus. Mais l’affaire était trop bien engagée pour ne pas être reprise aux premiers jours de calme, et, dès l’avènement du consulat, un traité du 27 floréal an ix (1801), approuvé le 17 prairial suivant, concéda à une compagnie les droits et privilèges qui avaient été accordés un siècle auparavant au maréchal de Noailles. La concession commença le 1er vendémiaire an X (20 septembre 1801) ; elle devait durer quatre-vingts ans et expirer en 1881. Depuis lors, un décret présidentiel, en date du 27 mars 1852, l’a prorogée de cinquante-huit ans ; aux termes de ce décret, elle doit donc durer jusqu’en septembre 1939, à moins que l’état ne rachète avant cette époque le privilège dont il s’est dessaisi.

Le canal de Beaucaire à la mer est complètement terminé depuis 1811. Il constitue, comme on le voit, une œuvre complexe. L’heureuse compagnie, substituée aux anciens concessionnaires qui avaient tenté infructueusement de mener l’entreprise à bonne fin, a obtenu d’une part le droit de percevoir, d’abord pendant quatre-vingt ans, puis pendant près de cent quarante ans, des taxes de navigation conformes à celles du canal du Midi ; d’autre part, elle a acquis aux termes de son traité « la propriété, incommutable de tous les marais tant supérieurs qu’inférieurs situés dans le département du Gard, entre Beaucaire et Aigues-Mortes et l’étang de Mauguio, appartenant à la république, soit qu’ils proviennent de l’ancien