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Partout aussi s’allument les bûchers. D’abord ce sont les bûchers d’église ; puis, vers le milieu du XVIe siècle, la justice laïque succède à la justice du clergé. Mais il n’y a pas là d’adoucissement, puisque c’est de 1550 à 1600 qu’on a brûlé le plus de sorciers. Cette double terreur, terreur de la possession satanique et de la justice humaine, cesse enfin vers les premiers temps du XVIIe siècle. Toutefois la puissance du diable ne disparaît pas tout d’un coup. Elle survit pendant près d’un siècle, malgré les progrès de l’esprit moderne qui la raille. Les parlemens, aveuglés par la vieille superstition expirante, réussissent à brûler encore certains prêtres sorciers sur la simple dénonciation de quelques misérables folles.

De nos jours il n’y a plus ni sorcellerie, ni possession. Peut-être, dans des villages écartés, existe-t-il encore quelque vieux paysan croyant aux loups-garous et aux maléfices, peut-être, dans certaines contrées, admet-on là puissance des mauvais esprits sur l’homme[1]. Le fait est que personne parmi les gens sensés n’admet plus l’intervention du diable dans les affaires humaines. L’observation médicale, patiente et sagace, a pu déjouer toutes les ruses de Satan, et montrer que, dans le délire effrayant des hystériques, dans leurs imprécations, leurs contorsions, leurs mouvemens convulsifs, il y a un ordre secret, une série nécessaire et fatale, qu’on retrouve toujours pour peu qu’on veuille en faire une étude méthodique. Les symptômes qu’ont présentés les ursulines de Loudun, les religieuses de Louviers, les démoniaques exorcisées dans les églises, sont les mêmes symptômes qu’on voit journellement chez les hystériques enfermées à la Salpêtrière. Les unes et les autres ont la même maladie qui se manifeste par les mêmes effets. Il n’y a pas de différence appréciable, et nous avons le droit de conclure que les démoniaques exorcisées étaient des malades, des folles, et que les malheureux accusés par elles étaient des innocens.

Quant aux convulsions épidémiques, comme celles qui se produisirent dans les couvens au XVIIe siècle, et plus tard, au XVIIIe siècle, autour du tombeau du diacre Paris ou du baquet de Mesmer, l’explication est plus difficile. Il faut admettre qu’il y a une sorte de contagion nerveuse. Il ne s’agit pas ici d’une contagion matérielle, pondérable, visible au microscope, comme le germe infectieux de la petite vérole ou de la peste. La contagion se fait par l’imitation. De

  1. D’après M. Michéa, il y a eu des cérémonies d’exorcisme en 1842 à Bordeaux, et en 1860 à Besançon. — A Verzegnis, dans le Frioul, près d’Udine, en Italie, il y a eu l’année dernière (1878-1879) une épidémie d’hystérie démonopathique, dont M. F. Franzolini a raconté l’histoire. Là encore on a pratiqué, ce qui est presque incroyable, force exorcismes, dont le seul résultat a été d’aggraver les phénomènes morbides.