responsable. Nous, qui jugeons les juges, soyons plus pitoyables qu’eux, et sachons les traiter avec plus d’équité et de clémence qu’ils ont traité les sorcières.
Une des plus illustres sorcières est Jeanne d’Arc. Quoique quatre siècles aient passé sur ce grand souvenir, il est encore vivant dans la conscience nationale. Prise à Compiègne par trahison, puis vendue aux Anglais, ses ennemis, l’héroïque jeune fille est amenée à Rouen, et, après quelques semaines de dure réclusion, elle comparaît devant un tribunal de juges ecclésiastiques et de docteurs en théologie, soigneusement choisis pour la condamner. Le cardinal anglais Winchester, l’évêque de Beauvais, Cauchon, sont les deux ennemis acharnés de la Pucelle : l’un est animé par je ne sais quel fanatique patriotisme ; l’autre est poussé par une furieuse ambition. D’abord le procès est fait à Jeanne pour cause de sorcellerie. A quoi en effet peuvent être dues tant d’éclatantes victoires, sinon au diable, qui, par l’intermédiaire de cette sorcière, a entrepris de chasser les Anglais de France ? Mais les réponses naïves, simples, profondes, de Jeanne déroutent les juges. Ils vont alors chercher du renfort auprès de l’Université de Paris. La réponse ne se fait pas attendre. La faculté de théologie décide que la Pucelle est livrée au diable, impie envers ses parens, altérée de sang chrétien, etc. Cependant ce procès abominable était si inique que les juges n’osaient pas prononcer. Warwick est envoyé tout exprès par le roi d’Angleterre pour faire hâter le procès. Les Anglais avaient peur : ils tremblaient devant cette pauvre prisonnière qui les avait fait fuir si souvent. A tout prix il faut en finir. On use d’une fourberie infâme pour faire reprendre à Jeanne l’habit d’homme, et c’est la plus grave accusation qu’on ait pu porter contre elle. On la déclare hérétique, relapse, apostate, idolâtre, on lui rappelle ses crimes, schisme, idolâtrie, invocation de démons, et on la condamne à être brûlée vive (1431). A vrai dire, le crime de sorcellerie n’est là que pour la forme. Le vrai crime de Jeanne est d’avoir chassé les Anglais et sauvé la nationalité française. Cependant les écrivains ecclésiastiques du temps, soit français, soit anglais, ont été unanimes à admettre que Jeanne était réellement possédée du démon. Le dominicain Nider raconte une conversation qu’il a eue avec maître Nicolas Amici (Midy), licencié en théologie, lequel avait été délégué par l’Université de Paris auprès du tribunal de Rouen. Jeanne avait avoué qu’un ange de Dieu conversait familièrement avec elle. Or, au dire de tous les plus savans théologiens, cet ange ne pouvait être que le malin esprit. Aussi Jeanne était-elle une véritable magicienne, prédisant l’avenir, et c’est comme magicienne qu’elle a été brûlée. À ce propos, Nider rapporte un fait, assez peu connu en général, c’est que, quelque