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d’autant mieux qu’il a été obligé d’être plus mesuré, et il a eu surtout l’heureuse chance d’avoir auprès de lui comme rapporteur un homme aussi aimé pour sa droiture qu’estimé pour son savoir. M. Barthélémy Saint-Hilaire. Tout ce qu’on pouvait dire, M. Barthélémy Saint-Hilaire l’a dit en politique ou en philosophe sérieux et convaincu, en vieux défenseur de la vieille université ! Ceci admis, il faut avouer que les adversaires de la réforme ministérielle avaient pour eux la bonne cause, que cette campagne de quelques jours a été conduite avec une vraie puissance de raison et de langage. M. le duc de Broglie a serré le projet de sa nerveuse et pénétrante éloquence, élevant sans effort une simple question d’enseignement à la hauteur d’une question sociale. M. Laboulaye a défendu les principes libéraux, les traditions libérales avec son esprit sensé, et M. Bocher, arrivant le dernier, ravivant de son feu une discussion presque éteinte, est venu compléter la démonstration par sa parole lumineuse, précise et entraînante.

Après cela, quel que soit le scrutin, cette loi, au point de vue de la réorganisation et du rôle du conseil supérieur, reste ce qu’elle est, une conception assez médiocre, qui montre quels étranges progrès nous faisons dans les voies libérales, dans nos idées sur les affaires générales de l’enseignement. Il faut voir les choses simplement, largement, sans les rabaisser et les rétrécir par de malheureuses inspirations de parti.

Qu’est-ce à dire ? M. Jules Ferry pour reformer son conseil, le premier conseil de l’enseignement public en France, notez-le bien, — ne trouve rien de mieux que de commencer par lui appliquer un singulier système d’épuration ; il commence par en bannir les hommes les plus considérables par la science, par l’expérience, par une position laborieusement conquise, le président de la cour de cassation, les conseillers d’état, les membres de l’Institut, les évêques surtout : comment entend-il suppléer à ces autorités désormais absentes ? Il a encore son système tout trouvé ! Il va chercher des personnes assurément honorables dans leur modeste et laborieuse carrière, mais enfin peu préparées au rôle qu’on leur destine ; il choisit, entre autres conseillers, des agrégés, des licenciés qui seront élus par leurs pairs, des régens de collèges communaux également élus par leurs collègues, même des délégués de l’enseignement primaire. C’est ce qu’on peut appeler la partie démocratique du nouveau conseil ; M. Jules Ferry a trouvé un autre mot pour caractériser ce contingent inattendu, il l’a appelé le « tiers-état universitaire, » — et il s’est complimenté lui-même de cette heureuse trouvaille ! On invoque sans cesse la compétence, la spécialité, les droits de l’état, la nécessité pour le ministre qui représente l’état d’avoir auprès de lui un conseil tout pédagogique particulièrement apte à traiter les affaires de pédagogie. Parle-t-on sérieusement ? Les régens des collèges communaux représenteront la compétence, nous le voulons bien. Est-ce