Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 37.djvu/715

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le commentaire de ces paroles, c’est le projet que M. le garde des sceaux vient de présenter, qui n’est qu’un expédient improvisé pour exécuter un certain nombre de magistrats, qui n’est ni sérieux, ni équitable, ni même correctement rédigé. Ainsi le chef du cabinet veut ramener, concilier ; il veut, dit-il, « procurer à cette nation deux grands biens qui lui sont indispensables, le calme et la paix, » et d’un autre côté il ne peut éviter de demander au sénat le vote de ces lois sur l’instruction publique qui ne sont qu’une pensée de guerre et de division dans le paisible domaine des études, de l’éducation de la jeunesse. M. le président du conseil n’a pas trouvé le terrain libre, nous en convenons ; c’est à lui, avec son esprit ferme et net, de déblayer au plus vite ce terrain, de dégager de sa déclaration une vraie politique, de faire sentir aux chambres la nécessité d’en finir avec les entraînemens et les fantaisies violentes dont l’unique effet est de conduire le pays à douter de cette « solidité des institutions » invoquée par le gouvernement lui-même. C’est à M. de Freycinet, le moins engagé des ministres dans les querelles irritantes, d’employer sa persuasive éloquence et son autorité de chef du cabinet à débarrasser une situation compromise, à relever le caractère et la politique d’un régime qu’il a la très légitime ambition de servir utilement.

De toutes les questions qui pèsent sur le gouvernement du poids des passions de parti, une des plus graves et des plus délicates est certes toujours cette question des lois sur l’instruction publique, qui ont été déjà votées par la chambre des députés, qui viennent maintenant de comparaître devant le sénat. Il ne s’agit point encore de la liberté de l’enseignement supérieur et de l’article 7, qui ont été l’objet d’un rapport lumineux et. décisif de M. Jules Simon. Il s’agit d’abord du conseil supérieur de l’instruction publique, que M. Jules Ferry propose de réorganiser en excluant tous les élémens étrangers à l’université pour ne laisser au nouveau conseil, suivant son expression, qu’un caractère tout pédagogique. Au fond d’ailleurs, dans les deux projets, c’est la même pensée de réaction contre la loi de 1850 qui a consacré la liberté de l’enseignement secondaire, contre la loi de 1873 qui a reconstitué le conseil supérieur altéré par l’empire, mais qui a le malheur d’être l’œuvre de l’assemblée de 1871 ; c’est la même inspiration de guerre contre ce qu’on appelle le cléricalisme, au risque d’atteindre la liberté et de rabaisser le caractère du conseil supérieur de l’enseignement en France. C’est ce qui vient d’être débattu avec éclat pendant quelques jours devant le Sénat, et, au milieu des loquacités assez vulgaires du temps, cette première discussion a le souverain mérite de rappeler les plus belles luttes parlementaires d’autrefois, démontrer quelle autorité peut donner au sénat la supériorité des lumières et des talens. M. Jules Ferry, nous ne le contestons pas, s’est défendu de son mieux, peut-être