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de nos assemblées, dans la fureur des guerres de religion, l’éloquente protestation du droit luttant contre la force, et réduit à sa noble impuissance ; nous entendons ici l’éloquence du droit armé de la force et sanctionné par l’autorité du fait accompli. Voilà par où Henri IV orateur peut se comparer aux orateurs des états ; tout le reste, dans ces harangues bien connues, bien souvent citées, n’appartient qu’à lui et reflète la grandeur familière, la grâce souveraine de ce merveilleux génie, si ondoyant et si divers, d’une trempe si fine, si ferme et si souple, où tant de nuances et de contrastes, tant de qualités naturelles ou acquises venaient se mêler et s’assortir. Notre ancienne éloquence politique avait touché à la fin du XVIe siècle son point culminant : les ardentes controverses des états-généraux de 1614 lui fournirent une dernière occasion ; mais, malgré la violence des récriminations échangées, malgré le nombre et l’étendue des harangues prononcées, la parole, cette fois, ne s’éleva pas à la hauteur où l’avaient portée le vainqueur de la Ligue et le défenseur de la loi salique. Il y a plus de passion que de vrai talent dans les discours qui remplissent les procès-verbaux de ces états.

Deux querelles célèbres résument l’histoire de la session de 1614, l’une, qui met aux prises l’ultramontanisme du clergé et le gallicanisme du tiers-ordre ; l’autre, qui venge la juste fierté de ce même tiers outragé par les insolens mépris de la noblesse. Dans l’un et l’autre combat, le tiers est seul contre l’union des ordres aristocratiques : la noblesse appuie les doctrines du clergé, et le clergé soutient les prétentions de l’esprit de caste. Déjà s’annonce l’irréparable scission qui doit se consommer en 1789. Avant de clore cette longue étude, considérons un instant la dernière manifestation de la liberté des états : il ne saurait être sans intérêt de noter ce que le fond des cœurs recelait de désaccords invétérés et d’animosités séculaires au moment où le régime du silence absolu allait commencer.

Sous l’impression des souvenirs de la ligue et de l’attentat de Ravaillac, un sentiment d’une rare énergie s’était prononcé dans les réunions électorales. Presque tous les cahiers, par un vœu formel et spécial, réclamaient une loi qui protégeât contre les foudres spirituelles l’inviolabilité de la couronne, et la poitrine des rois contre les poignards sacrés. Quand la députation de Paris, dans la chambre du tiers, fit lecture de l’article ordonnant à tout régent et prédicateur d’enseigner comme une doctrine fondamentale l’indépendance du pouvoir civil et de désavouer la doctrine contraire, les représentans des provinces déclarèrent, à la presque unanimité, que leurs cahiers contenaient un article semblable. Sans mot