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considérables et que, malgré ces dépenses anormales, le chemin a rendu 5 1/2 pour 100 du capital engagé. À cette occasion, la question de l’aliénation de ce chemin de fer à l’industrie privée a été beaucoup agitée par les journaux. Cette question se lie à celle de la situation financière du pays. On verrait dans cette aliénation un puissant moyen de diminuer les embarras du trésor. Le gouvernement ne paraît pas disposé à s’engager dans cette voie et semble plutôt regarder la propriété de ces lignes si productives comme une ressource suprême dont il ne faudrait user qu’à la dernière extrémité. Pour compléter cette étude, il nous reste donc à dire quelques mots de l’état des finances brésiliennes.


III

Depuis la guerre du Paraguay, les budgets de l’empire ne se soldent plus en équilibre. Jusqu’en 1877, ce déficit avait été dissimulé chaque année, à l’aide de crédits supplémentaires ou extraordinaires qui reportaient sur l’exercice suivant les excédens de dépense de l’année courante, et lorsque le fardeau, ainsi changé de main, devenait trop lourd, un emprunt contracté à Londres ou dans le pays[1] permettait de le déposer pour quelque temps. Cette manière de procéder contribuait, du reste, à augmenter les méfiances des capitalistes étrangers, dont la plupart étaient parfaitement au courant des embarras du trésor, mais se trouvaient dans l’impossibilité d’évaluer au juste le montant des découverts.

En 1879, un nouveau ministre des finances, M. Gaspard Silveira de Martins, résolut enfin de dresser un budget sincère et dévoila la véritable situation. L’insuffisance des recettes annuelles se trouva dépasser 58 millions de francs.

Les dépenses pour 1879-80 étaient estimées en bloc à 348 millions (chiffre dans lequel le service de la dette publique entrait pour 97). Les recettes devaient atteindre à peine 290 millions. Certainement cet état de choses était grave, mais, avec un sol aussi fertile que le sol du Brésil, il était loin d’être désespéré. On éprouvait, il est vrai, quelque gêne à recourir à de nouveaux impôts : la guerre avait déjà rendu très lourd le poids des contributions ; dans un empire aussi étendu, l’énormité des frais de perception pour tout ce qui n’est pas droit de douane (taxe relativement facile à percevoir), avait conduit le gouvernement à prélever plus des deux tiers des recettes du trésor sur les marchandises importées ou sur les produits exportés ; or les fluctuations d’un impôt, à peu près unique, devaient inquiéter naturellement

  1. Emprunts à Londres de 1852, 58, 60, 63, 65, 71 et 75. Emprunt intérieur de 1868.