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blés, les vins, les bois, les fourrages sont grevés en arrivant sur le marché de frais qui dépassent souvent de beaucoup la valeur même de ces denrées. Toute économie sur ces frais est un bienfait qui permet de faire profiter des populations entières d’avantages dont elles étaient privées jusque-là. Sous ce rapport, les chemins de fer ont rendu des services incalculables. Ils nous ont affranchis à jamais de la crainte des famines par la rapidité et l’économie avec laquelle ils transportent les blés des ports d’importation au centre de la France ; ils ont ouvert des débouchés nouveaux à des produits qui ne trouvaient pas d’écoulement ; ils ont facilité le marnage et par conséquent la mise en culture de terres qui sans eux seraient restées stériles ; ils ont transformé la situation agricole du pays et ont amené la prospérité là où autrefois régnait la misère. A cet égard, un progrès énorme a été fait dans les vingt dernières années, puisque la longueur des lignes exploitées, qui en 1860 n’était que de 9,433 kilomètres, était au 31 décembre 1877 de 21,038 kilomètres.


V

En jetant un regard d’ensemble sur ce vaste territoire qui s’étend des Alpes à l’Océan et de la mer du nord aux Pyrénées, mélange de plaines, de coteaux et de montagnes, que se partagent les bassins de cinq grands fleuves, que couvrent des forêts, des herbages, des moissons, des vignobles, sur lequel règnent les climats les plus divers, on ne peut se défendre d’un sentiment d’orgueil en songeant que c’est la France, notre patrie bien-aimée ; s’il se mêle à ce sentiment l’amertume profonde que nous cause la perte de nos plus belles provinces, il nous reste au moins l’espoir que cette séparation n’est pas éternelle. Sans doute, ce beau pays n’est pas encore partout cultivé comme il devrait l’être ; bien des plaines sont encore des landes stériles, bien des montagnes montrent leurs flancs dénudés, mais tel qu’il est, y en a-t-il au monde un autre qui puisse lui être comparé ? Les progrès réalisés, dont nous venons d’énumérer les principaux, sont du reste garans de l’avenir, et l’on peut affirmer à l’avance qu’ils ne seront pas moindres dans les années qui vont suivre que dans les années écoulées ; c’est une voie dans laquelle, malgré les accidens particuliers qui peuvent se produire, on ne s’arrête jamais. Les déclamations intéressées ne peuvent rien changer à une situation qui frappe tous les yeux, ni détruire des faits dont nous avons été les témoins et que confirment souvent, malgré eux, les correspondans de la Société nationale