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des remontes, de façon à ce que tous ses efforts fussent dirigés vers ce but unique : assurer à notre cavalerie les chevaux dont elle peut avoir besoin à un moment donné. Pour encourager cette production, il conviendrait, non-seulement d’élever les prix d’acquisition qui aujourd’hui ne couvrent pas les frais d’élevage, mais aussi de fixer à l’avance, pour plusieurs années, le nombre des chevaux à acheter, pour que les éleveurs puissent se régler sur les besoins connus. On pourrait alors suivre le système en usage en Prusse, qui consiste à établir dans les régimens un roulement continu par l’envoi annuel d’un certain nombre de chevaux jeunes et par la mise à la réforme du même nombre de chevaux âgés, dont beaucoup sont encore susceptibles de rendre des services.

Quant aux chevaux de luxe et aux chevaux de culture, dont la production n’importe qu’à des intérêts privés, l’industrie particulière, qui a su créer seule les belles races de trait que nous possédons, est parfaitement à même de les perfectionner, sans que l’administration des haras ait besoin de s’en mêler. Ce n’est pas à dire que nous repoussions, même pour ces derniers, le concours de l’état, mais nous pensons que ce concours doit se borner à des encouragemens, à des primes données aux animaux reproducteurs les plus parfaits, et que c’est surtout aux sociétés d’agriculture départementales qu’il convient de guider les éleveurs dans la voie qu’ils ont à suivre. L’exemple du département de la Nièvre est sous ce rapport très concluant, et si tous les départemens propres à l’élève du cheval en faisaient autant, nous verrions bientôt toute notre population chevaline se transformer. Mais pour améliorer les races, il faut avant tout avoir des reproducteurs d’élite, et pour en avoir il faut que nos cultivateurs en sentent le prix et trouvent leur compte à en créer. Les Anglais, qui sont nos maîtres en cette matière, ont soin d’inscrire sur des registres ad hoc ou studbooks la généalogie des produits de chaque race spéciale, de façon à conserver celle-ci pure de tout mélange. En Angleterre où les propriétés se transmettent de père en fils sans sortir de la famille, îles particuliers peuvent tenir eux-mêmes leurs registres, mais en France, où la constitution de la propriété est différente, ce rôle incombe aux sociétés d’agriculture, qui, sous ce rapport comme sous bien d’autres, peuvent rendre d’inappréciables services.

Les races bovines françaises ne sont ni moins nombreuses ni moins précieuses que les races chevalines ; mais elles ont des aptitudes plus diverses et peuvent, suivant les circonstances, être élevées soit pour le travail, soit pour la boucherie, soit pour la production du lait. Il fut un temps où le cultivateur considérait le