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ainsi, par voie d’importation une race de chevaux noirs excellens pour la culture et qui deviendra une source de richesse pour les éleveurs de cette région.

Le principe qui domine l’industrie chevaline, comme toutes les autres, c’est l’intérêt de l’éleveur, et c’est pour avoir perdu de vue cette vérité élémentaire que l’administration des haras a si souvent fait fausse route et beaucoup perdu de son crédit. Créée par Colbert pour favoriser surtout la production du cheval de guerre, elle a souvent poussé à l’élevage des chevaux fins dans les régions où il y aurait eu avantage à faire des chevaux de culture, dans celles même où il eût été préférable de ne pas en produire du tout. Nous ne contestons pas l’utilité de cette institution, mais les services qu’elle a rendus jusqu’ici ne sont pas assez éclatans pour que l’opinion publique soit bien fixée sur son compte. Obéissant à des influences diverses, elle a mis en pratique les systèmes les plus contraires et laissé dans bien des esprits sérieux des doutes sur l’importance de son rôle et l’utilité de son institution. Lorsqu’on en est là, il faut remonter aux principes et se demander s’il y a réellement des motifs pour que l’état intervienne dans l’industrie chevaline et quel doit être le caractère de cette intervention. La seule raison, mais elle est péremptoire, qui motive l’ingérence de l’état, c’est la nécessité de pourvoir, en vue de la défense du territoire, à la remonte de la cavalerie. Il y a là un intérêt majeur qu’on ne peut abandonner aux chances de l’initiative individuelle ; d’une part, parce que les aptitudes de ces animaux sont spéciales ; d’autre part, parce que la production en est onéreuse. Le cheval de cavalerie, surtout celui de cavalerie légère, n’est guère propre à d’autres usages, et lorsqu’il n’est pas pris par la remonte, il ne peut être utilisé, ni pour la culture, ni pour les services habituels des particuliers ; il reste pour compte à l’éleveur, pour lequel il est une perte réelle, puisque, jusqu’à l’âge de quatre ans, il lui a coûté sa nourriture sans avoir pu lui rendre aucun service. Il est bien plus profitable d’élever des chevaux de trait, d’abord parce qu’on trouve toujours à s’en défaire, ensuite parce que, dès l’âge de deux ans, on peut leur demander un léger travail qui paie l’avoine qu’ils consomment. Il est donc nécessaire que l’état se préoccupe de la production du cheval de guerre, et sous ce rapport l’administration des haras a un rôle très sérieux à remplir, mais c’est à la condition de s’y renfermer et de ne pas faire à l’industrie privée, qui s’y entend mieux qu’elle, une concurrence fâcheuse pour la production des chevaux d’autres catégories. Il serait donc naturel que cette administration dépendît du ministère de la guerre et qu’elle s’annexât le service