Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 37.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naître la maladie qui nous occupe en ce moment. À Paris, par exemple, et dans les grandes villes, où les jeunes filles des classes inférieures et de la petite bourgeoisie reçoivent une éducation supérieure à leur état social, l’hystérie est très fréquente. En effet, il est souvent bien difficile de trouver le mari idéal qu’elles ont rêvé. Le mariage n’est donc pas un remède, car les difficultés mesquines, quotidiennes, et les soucis étroits du ménage seront une pâture insuffisante aux vastes aspirations d’une imagination déréglée. Aussi, chez certaines jeunes filles comme chez certaines jeunes femmes, qui n’ont guère qu’une légère prédisposition à l’hystérie, la misère, la gêne, le chagrin, font bien souvent apparaître les symptômes de cette maladie. En un mot, l’hystérie a une cause physiologique, c’est l’hérédité ; une cause sociale, la réalité inférieure au rêve.

Cette hystérie légère n’est pas une maladie véritable. C’est une des variétés du caractère de la femme. On peut même dire que les hystériques sont femmes plus que les autres femmes : elles ont des sentimens passagers et vifs, des imaginations mobiles et brillantes, et parmi tout cela l’impuissance de dominer par la raison et le jugement ces sentimens et ces imaginations. Les romanciers ont compris le parti qu’ils pourraient tirer de l’étude de ce caractère. Dans les derniers temps surtout, depuis que le style descriptif est à la mode, depuis qu’on s’est efforcé de mélanger l’art et la pathologie, il y a eu de nombreuses peintures d’attaques d’hystérie ou de caractères hystériques. Ces essais ne sont pas tous heureux. Quelquefois cependant, on rencontre des descriptions exactes qui compléteront ce que nous venons de dire de l’état psychique des femmes nerveuses.

M. Octave Feuillet, en observateur fin et délicat, fait parler ainsi un mari dont la femme est devenue hystérique. Le mot d’hystérie n’est pas prononcé, mais les symptômes sont si nets qu’il ne peut y avoir d’hésitation dans le diagnostic : « Cette femme du monde, dit M. Du Marsan, a subitement emprunté aux prisonniers certaines formules amères, brèves, désespérées, comme on doit en lire sur les murs des cabanons. Cette femme de sens s’est plongée à l’improviste dans la lecture des poètes et des romanciers les moins réservés… J’ai respiré avec terreur, dans cette élocution jadis si sobre, je ne sais quel fade parfum poétique. D’autres fois, on dirait que nous tombons en enfance, tant la tournure de notre discours se fait mignarde et précieuse. Nous y joignons des gestes de petite fille, ou bien, brusquement, notre phrase, tout à l’heure pudique jusqu’à la puérilité, se décoche en un trait presque grivois, en une question d’une curiosité inqualifiable. Nous passons, sans transition, du style Rambouillet ou de la périphrase byronnienne au