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se laisser séduire à cette charmante frivolité. Je dirai même que cette entière sincérité de critique donne un prix tout particulier à cette étude sur Boucher. Trop de biographes, infatués de leurs héros, ne se doutent pas de ce qu’ils perdent, eux, leur livre et leur libraire, à tourner toutes choses dans le sens de l’éloge. Ils me font songer à ce livre dont par le Macaulay, « qui lui semblait manufacturé en vertu d’un contrat par lequel la famille s’engageait à communiquer des papiers et le biographe à fournir des éloges. » Un livre est bon et bien fait quand l’éloge et la critique y sont à la juste mesure du personnage ou du sujet. Et c’est pourquoi, quand ce François Boucher n’aurait pas cette richesse d’illustrations qui en fait un véritable album de l’art du XVIIIe siècle, le texte seul devrait encore suffire à le porter et à le soutenir.

Autant en dirons-nous d’un livre moins luxueux sans doute, mais encore abondamment illustré. L’Histoire de la gravure, de M. George Duplessis[1], est certainement un des meilleurs livres d’étrennes que l’on ait publiés cette année. Le nom de l’auteur dit assez la sûreté des informations et la compétence des jugemens. C’est l’histoire générale de la gravure qu’il nous retrace en Italie, en Espagne, en Allemagne, dans les Pays-Bas, en Angleterre et en France, depuis les origines jusqu’à nos jours. Soixante-treize reproductions font passer sous nos yeux autant de planches célèbres de Marc-Antoine, Rembrandt, Holbein, Albert Dürer, Callot, Audran, etc. ; deux appendices ajoutent à l’intérêt de l’ouvrage et le recommandent au public spécial des amateurs. Dans le premier, l’auteur donne une brève idée des différens procédés en usage pour la gravure. Dans le second, il a pris la peine d’indiquer aux collectionneurs un choix de planches qui peuvent servir à former le premier fonds d’une collection. Il y a joint les indications qui permettront de classer les estampes, à volonté, selon les écoles ou selon l’ordre historique et chronologique. J’oubliais de dire que le volume fait partie d’une collection lui aussi. Il en serait le meilleur, s’il n’avait un rival au moins dans l’Histoire du costume, de M. Quicherat.

Nous ne sortirons pas encore des collections en signalant le dernier ouvrage de M. Paul Lacroix[2]. Celui-ci rejoint l’un à l’autre deux grands ouvrages du même auteur et forme ainsi sur ce qu’on pourrait appeler l’histoire de la vie privée des Français, depuis le moyen âge jusqu’à la veille de la révolution, un vaste répertoire de menus faits et de renseignemens curieux qu’en vain chercherait-on bien loin quelquefois et que la patience unique de M. Lacroix y a longuement et laborieusement rassemblés. Sur l’illustration, nous aurions bien quelque petite chose à dire, au moins sur la partie chromolithographique de

  1. Histoire de la gravure, par M. George Duplessis, 1 vol. in-8o ; Hachette.
  2. XVIIe siècle. Institutions, usages et coutumes, par M. P. Lacroix, 16 chromolithographies et 250 gravures sur bois, 1 vol. in-8o ; Firmin-Didot.