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REVUE LITTERAIRE

LES LIVRES D'ETRENNES

Voilà longues années déjà que le livre d’étrennes a cessé d’être le modeste in-octavo mal imprimé, mal illustré, mal cartonné surtout, que l’on donnait aux enfans bien sages pour cultiver en eux, — économiquement, — le goût de la lecture. Les vilains volumes que c’étaient, avec leur gaufrage et leur dorure prétentieuse ! car ils étaient dorés partout, au dos, sur les plats, sur la tranche. On les lisait pourtant : ils contenaient de si jolies histoires ! J’aime à croire qu’ils circulent encore, ces honnêtes petits livres, et qu’ils continuent de faire la fortune de ceux qui les éditent. Il est une saison pour les amusemens scientifiques, il en est une aussi pour des amusemens moins sévères, et je sais bien tels livres infiniment plus instructifs si l’on veut, et surtout plus luxueux, pour lesquels jamais je n’aurais donné l’incomparable Histoire d’Ali Baba et des quarante voleurs. Peut-être aujourd’hui traite-t-on de trop haut même les contes de nourrices. Les contes de nourrices, ces contes comme dit le poète :

Où l’on voit des géans très bêtes
Vaincus par des nains pleins d’esprit,


ils ont du bon. La littérature enfantine de notre temps manque un peu de naïveté. Beaucoup de livres s’adressent à la jeunesse, peu de livres s’adressent à l’enfance. Deux publications que nous avons là sous les yeux, le Journal de la jeunesse[1] et le Magasin d’éducation et de récréation[2] supposent de jeunes lecteurs fort avancés ou même d’une curiosité d’esprit déjà toute scientifique. A quel âge peut-on s’intéresser à la condition des acteurs dans l’antiquité, par exemple, ou à l’ouverture d’un chemin de fer transsaharien ? Il faut bien avoir de douze à quinze ans, j’imagine. Mais on répondra que jusque-là les polichinelles et les

  1. Hachette.
  2. Hetzel.