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individus, le chiffre de cette population, décimée par la mort et l’émigration, était tombé à six mille. Le nombre des janissaires avait également diminué, ainsi que leur prestige. Les indigènes, longtemps courbés devant eux, commençaient à relever la tête, demandaient au dey chaque jour de nouveaux privilèges qu’il se voyait contraint de leur accorder. En même temps, autour de lui, parmi ses créatures et les membres de sa famille, se manifestaient des symptômes de mécontentement. Une conspiration fut même ourdie contre sa vie dans son palais. Les conjurés devaient, après l’avoir mis à mort, lui donner pour successeur un de ses parens, entrer ensuite en négociations avec les Français pour obtenir le maintien de la domination turque, et s’ils ne réussissaient pas dans leur projet, faire appel à la médiation de l’Angleterre. Le complot fut découvert la veille même du jour où il devait éclater. Sept des principaux instigateurs payèrent de leur tête la part qu’ils y avaient prise ; les autres furent exilés ; le dey se crut à l’abri de tout nouveau péril, convaincu que la France se lasserait bientôt de ce blocus inutile et qu’il pourrait réorganiser ses forces et recommencer ses actes de piraterie.

C’est dans ces circonstances qu’il apprit soudain que la flotte française venait de quitter le port de Toulon. Il envoya aussitôt des émissaires de tous côtés pour prêcher la guerre sainte et éveiller le fanatisme des populations. Les cheiks les plus influens appelés à Alger y reçurent de riches présens ; les imans furent invités à implorer l’assistance du Prophète. De grands préparatifs de défense furent faits du côté de la mer, des batteries formidables établies le long de la côte, les accès du port fermés par des chaînes, et dans le fond, des navires armés de canons. En revanche, les défenses du côté de la terre avaient été négligées ; Hussein-Dey ne supposait pas qu’il pût être attaqué par là, et les contingens arabes qu’il redoutait de nourrir et de payer furent convoqués si tardivement que, lorsque la flotte française parut devant Alger, ils étaient encore à plusieurs lieues du rivage attendant l’ordre de marcher en avant. Grâce à cette négligence, le corps expéditionnaire, en débarquant à Sidi-Ferruch, ne trouva devant lui que des forces insignifiantes. Il n’en fut pas de même toutefois quand les troupes qui le composaient commencèrent à s’élever vers les plateaux supérieurs sur lesquels ils devaient se frayer un chemin dans la direction d’Alger.

Jusqu’au 18 juin, la campagne consista en une longue série d’escarmouches, en un feu continuel entre nos soldats et les cavaliers arabes qui se jetaient à tout instant sur les avant-postes, debout sur leurs étriers, ou penchés sur l’encolure de leur cheval, tenant en mains leur long fusil dont ils se servaient sans ralentir leur