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et, loin de s’inquiéter de ses suites, y applaudissaient par avance, il n’en était pas de même de la Grande-Bretagne. Quand M. de Polignac avait entamé des pourparlers avec Méhémet-Ali, dans le dessein de le charger de diriger une expédition contre Alger, il avait trouvé le gouvernement anglais en travers de sa politique, et, sous prétexte que l’alliance de la France et de l’Égypte constituerait une menace contre la Porte, il avait reçu le conseil de vider lui-même son différend. Le cabinet britannique était alors convaincu que le gouvernement du roi n’oserait jamais entreprendre lui-même et seul une expédition contre la régence. Mais quand il vit la France commencer les armemens qui révélaient une impérieuse volonté d’agir, il chargea son ambassadeur de Paris de demander des explications au prince de Polignac. S’agissait-il d’un simple châtiment à infliger au dey ou de la destruction complète de la régence ? Sous ces formidables préparatifs, n’y avait-il pas des intentions conquérantes ? Par l’ordre du roi, M. de Polignac répondit le 12 mars que la France n’était guidée par aucune vue d’ambition personnelle ; que le pavillon français ayant été insulté, elle saurait le venger comme il convenait à son honneur. Si dans la lutte le gouvernement du dey était renversé, le roi s’entendrait avec ses alliés sur les moyens de substituer à ce gouvernement barbare un nouvel ordre de choses ; mais, à cet égard, il n’entendait prendre aucun engagement contraire à la dignité de la France.

Ces explications furent adressées non seulement à la Grande-Bretagne, mais encore à toutes les puissances chrétiennes, sous forme de note circulaire. Partout elles furent jugées satisfaisantes, sauf à Londres, où, tout en les acceptant, on demanda qu’elles fussent complétées par une renonciation explicite à toutes vues d’occupation territoriale. M. de Polignac répondit en protestant du désintéressement de la France, ce qui ne suffisait pas aux ministres anglais. Le duc de Wellington et lord Aberdeen insistèrent pour obtenir une déclaration positive. Elle ne leur fut pas donnée. Les insistances se prolongèrent jusqu’à la fin du mois de mai. À cette époque, la flotte française était en route pour Alger, et le gouvernement du roi jugeant avec raison qu’il avait fourni dans ses circulaires aux cabinets européens toutes les explications compatibles avec sa dignité, M. de Polignac, dont la patience était à bout, refusa de continuer des pourparlers auxquels il n’avait plus rien à ajouter.

Cette brusque clôture de la discussion, si propre à refroidir les rapports des deux gouvernemens, fut aggravée encore par une vive sortie du baron d’Haussez contre l’ambassadeur d’Angleterre, lord Stuart. Dans un entretien qui eut lieu entre ces deux hommes