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Deval écrivit à son gouvernement pour lui faire connaître ce qui venait de se passer. « Si votre excellence, disait-il au ministre des affaires étrangères, en terminant son récit, ne veut pas donner à cette affaire la suite sévère et tout l’éclat qu’elle mérite, elle voudra bien au moins m’accorder la permission de me retirer par congé. »

La réponse ne se fit pas attendre. Le gouvernement du roi prescrivait à son représentant de demander des excuses immédiates, et, s’il ne les obtenait pas, de quitter Alger. Ces ordres furent apportés par le capitaine de vaisseau Collet, à la tête d’une division navale. M. Deval se rendit aussitôt à bord de la goélette la Torche, en faisant avertir les Français domiciliés dans Alger d’avoir à quitter la ville et à s’embarquer sur les navires prêts à les recevoir. Puis le capitaine Collet rédigea une note qui respirait l’énergie dont cet intrépide marin avait fourni plus d’une preuve au cours de sa longue et glorieuse carrière[1]. Il demandait que le ministre de la marine algérienne vint à son bord présenter au consul de France les excuses personnelles du dey et que, pendant ce temps, le drapeau français fût arboré sur tous les forts et salué de cent coups de canon. Vingt-quatre heures étaient accordées au dey d’Alger pour donner cette éclatante satisfaction à la France. Hussein refusa d’obtempérer à ces réclamations. En même temps, par ses ordres, le bey de Constantine allait détruire l’établissement français de la Calle. Ce fut le signal des hostilités. Conformément aux instructions qu’il avait reçues, le capitaine Collet mit le blocus devant Alger, mesure provisoire qui, dans la pensée du gouvernement, n’était que le prologue d’une vengeance exemplaire de ses nombreux et anciens griefs, mais qui, par suite de circonstances particulières, se prolongea durant trois années. La force des choses devait cependant ne pas tarder à démontrer l’insuffisance de ce blocus. Il obligeait, il est vrai, la flotte algérienne à rester dans le port d’où, le 4 octobre 1827, elle avait tenté de sortir, mais où elle avait dû rentrer ensuite, ayant tenté vainement de forcer le passage. Mais, il constituait une campagne sans éclat et sans gloire, sinon sans péril ; il donnait lieu à de dramatiques épisodes, tel que celui du

  1. Pendant les guerres maritimes de l’empire, un jour, dans la rade de Rochefort, le capitaine Collet ayant demandé au commandant de la flotte française la liberté de manœuvrer, et l’ayant obtenue, alla droit avec sa frégate au vaisseau amiral anglais, qui le laissa venir, ne pouvant croire qu’il put avoir l’idée de se heurter à lui. Le capitaine Collet s’approcha donc, et arrivé bord à bord envoya toutes ses bordées dans les flancs de l’anglais ; puis, passant de l’autre côté, renouvela sa manœuvre, s’éloignant ensuite avant que l’ennemi fût revenu de sa stupeur. C’est M. Alfred Nettement qui raconte ce trait de bravoure.