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Néo-Zélandais, trouva des joies et un bonheur dans la vie des insulaires. Il épousa deux femmes, devint un personnage considérable, un chef, et c’est richement tatoué qu’il retourna en Angleterre conter son histoire à un homme qui s’empressa de l’écrire[1].

En 1817, M. Marsden expédie à Londres deux jeunes Néo-Zélandais dans le dessein de les éblouir par les splendeurs de la civilisation britannique. A son avis, « les Néo-Zélandais, considérés comme les cannibales les plus féroces et les sauvages les plus guerriers du monde, ce qui est en partie fondé, sont naturellement généreux, doux, affectionnés ; par les qualités morales, ils feraient souvent rougir bien des gens réputés chrétiens[2]. » Ainsi que tant d’autres, le bon chapelain se trompait touchant l’effet de la vie des nations policées sur l’esprit des races qui ne chérissent rien au même degré que l’indépendance absolue. Les colons de Rangihou, qui s’étaient fort émerveillés de l’intelligence vive des Néo-Zélandais, commencent à remarquer avec chagrin la difficulté, presque l’impossibilité de soumettre à un travail régulier ces hommes qu’on croirait voués par nature à l’existence vagabonde. Les insulaires exécutent un ouvrage qui peut être promptement achevé, ils l’abandonnent s’il est besoin d’y consacrer de longues journées. Pour entrer en possession de quelques clous, le Néo-Zélandais renonce à toute besogne utile et rémunérée, s’il trouve moyen de les obtenir en brisant une embarcation ou en abattant une maison. Ainsi devaient demeurer stériles les efforts souvent renouvelés avec certaine apparence de succès pour diriger l’esprit des insulaires vers l’agriculture et les arts mécaniques[3].

Vers la fin de la troisième année de son séjour à la baie des Iles, M. Kendall se louait du climat sain et agréable, et de la conduite des indigènes, meilleure qu’on n’aurait osé l’espérer. Il avait ouvert son école, au mois d’août 1816, avec trente-trois enfans. Le nombre des élèves ayant augmenté, les provisions alimentaires furent insuffisantes ; garçons et filles se dispersèrent. Ils revinrent l’année suivante avec de nouveaux camarades ; tous apprenaient à écrire, et le maître estime que les petits sauvages acquièrent aussi vite dans cet art un talent égal, peut-être supérieur à celui des enfans de l’Angleterre sa patrie. Les missionnaires, se familiarisant avec le langage du pays, découvrent l’origine des noms d’hommes, tirés tantôt du caractère ou d’un acte de la vie, tantôt d’une circonstance relative soit à un objet, soit à une localité ; ils discernent mieux les idées superstitieuses des insulaires. Suivant la déclaration de M. Kendall, l’orgueil, l’ignorance, la cruauté, la licence,

  1. Library of Entertaining Knowledge.
  2. Missionary Register.
  3. Major Richard Cruice, Journal of ten Month’s Residence in New-Zealand ; London, 2e édit., 1824, p. 55.