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les enfans tués ; il parla des femmes blessées se traînant vers le rivage et sans merci achevées par les matelots. Le commandant de navire prit l’engagement de ne plus faire de mal au peuple de la Nouvelle-Zélande. Les habitans de Tepuna consentirent à la paix, et M. Kendall dans son naïf enthousiasme put écrire : « Il est doux d’observer chez les indigènes de rapides progrès vers la civilisation[1]. »

Les colons voyaient souvent des malades et s’efforçaient de les soulager. Sous un climat fort humide en hiver, les Néo-Zélandais s’exposent à des refroidissemens dont les suites peuvent être graves ; sans jamais songer à la cause du mal, ils l’attribuent d’une façon invariable à l’Atoua, dieu et diable tout ensemble, qui les fait souffrir. Dès le commencement de l’année 1816, M. Kendall signalait de fréquentes visites de la part des habitans de divers districts, se louait de ses bons rapports avec tout le monde, se vantait de posséder une connance.qui avait gagné même les femmes des missionnaires ; le vacarme effroyable des exercices militaires ne Les empêchait plus de dormir. M. Hall, emmenant femme et enfans, s’était installé à Waitangi : à ses yeux, c’est le jardin de la Nouvelle-Zélande ; il y a des terres arables de la meilleure qualité, des prairies superbes pour l’élevage des troupeaux, une rivière qui porte les bois mis en radeaux. Le chef Waraki mourut, et il s’ensuivit du trouble dans la contrée, la maison du ministre protestant fut mise au pillage. Malgré l’accident, M. Hall tenait à ne point abandonner la place ; les insultes, les attaques se renouvelèrent ; le pauvre pasteur, blessé au visage, dut revenir avec sa famille à Rangihou.

Tandis que les missionnaires s’accommodent de l’existence parmi les sauvages, un de ces aventuriers dont on garde le souvenir à raison de circonstances extraordinaires ou de certaines audaces pénètre dans l’intérieur du pays au milieu de populations surprises en voyant pour la première fois un Européen. En 1816, un navire était entré dans cette baie de la Pauvreté, rendue tristement célèbre par la narration du capitaine Cook[2]. Durant quelques jours, capitaine et gens de l’équipage trafiquèrent avec les habitans du littoral, mais vinrent les actes de violence : trois marins furent tués dans la lutte, les autres saisis et menés à terre ; plusieurs d’entre eux, attachés à des arbres, tombaient sous les coups de massue et de bruyans éclats de rire répondaient dans la foule aux cris des mourans. Témoin du massacre, John Rutherford, vieux soldat, épargné ainsi qu’un de ses camarades, vit préparer les foyers, rôtir les victimes et consommer le repas des cannibales, ayant reçu d’ailleurs l’invitation courtoise d’y prendre part. Rutherford, mêlé aux

  1. Lettres de M. Kendall : Missionary Register ; August and December, 1817.
  2. Poverty Bay.