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pas de charme ; au milieu d’une plaine circonscrite par des collines couvertes de fougères, serpente la rivière Tecadi, dont l’aspect est fort agréable. Pour atteindre le village, on passa près de champs bien cultivés, et longtemps on dut cheminer à travers la forêt où à chaque pas des arbres d’énormes dimensions plongeaient les voyageurs dans une sorte d’extase. Enfin on gravit la colline où s’élève Waïmata, mais en arrivant il faisait déjà nuit. Au matin, les hôtes de Hongi éprouvèrent d’autant mieux des surprises ; c’est encore le crépuscule, et les petits chanteurs de la forêt voisine lancent des notes plus exquises que celles des rossignols ; le soleil commençant à luire sur l’horizon dore les sommets des collines d’une manière toute fantastique ; le panorama est splendide. Plus d’une fois les Anglais avaient vu des villages fortifiés : les heppah ou pak, que Cook a décrits, où des défenses solides, artistement combinées, sont en général des constructions assez grossières. A Waïmata on pouvait se croire en présence de travaux d’une nation civilisée, tant les dispositions étaient parfaites et bien conçues ; palissades pour arrêter les lances et les javelots, meurtrières pour ouvrir un feu de mousqueterie. Du côté de la colline dont l’accès était le plus facile, un large fossé plein d’eau rendait toute approche impraticable. En considérant de tels ouvrages, on jugeait les hommes qui les avaient exécutés capables de se montrer très vite fort habiles dans tous les arts manuels.

Après avoir examiné en détail et la ville et les fortifications, les voyageurs trouvèrent à déjeuner dans la maison de Hongi. Ayant entendu les indigènes souvent parler d’un lac situé dans la contrée, ils avaient hâte de satisfaire leur curiosité. Descendant vers l’ouest la pente abrupte de la colline entre les arbres, au bout d’une heure de marche, ils atteignirent une plaine fertile, où la culture des plantes potagères de l’Europe a déjà pris une certaine extension. Au delà, on ne tarde point à découvrir une nappe d’eau couvrant de l’est à l’ouest une étendue d’environ 8 milles à peu près la moitié du nord au sud ; c’est le lac Mapere[1]. Les rives, par intervalle nues ou boisées, les hautes montagnes lointaines » les raies d’ombre et de lumière qui se succèdent, les bandes d’oiseaux aquatiques au gai plumage, tour à tour captivent le regard et laissent à l’esprit une gracieuse impression. Dans le lac abondent les poissons ; la pêche se pratique à l’aide d’une double corbeille faite d’une écorce d’arbre ; pour tenter l’accès, une ouverture en forme d’entonnoir se présente à l’animal qui, une fois engagé dans l’étroite prison, ne parviendra plus à sortir. Le révérend Marsden et Nicholas se persuadent que les bords du lac offrent de sérieux

  1. Morberri, dans la relation de Liddiard Nicholas.